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d’émancipation n’a guère fait qu’étendre aux premiers les institutions appliquées et expérimentées chez les derniers. Le principal trait de ces institutions, c’est un régime communal à deux degrés ou à deux étages. Les petites agglomérations sont réunies en grandes communes administratives ou bailliages (volost), au sein desquels chaque communauté conserve son individualité.

La propriété collective du sol est une des causes de ce mode de groupement des villages. Les terres possédées en commun par les paysans sont de dimensions fort inégales, et le nombre des copropriétaires du mir varie singulièrement. Si ces associations économiques avaient toujours été adoptées comme unité administrative, on eût eu des circonscriptions étrangement inégales, et l’on eût abouti fréquemment à un morcellement communal excessif, aussi peu avantageux pour l’action du pouvoir central que pour le self-government local. D’un autre côté, l’on ne pouvait toujours annexer les uns aux autres et fondre ensemble des hameaux ayant chacun des propriétés d’inégale étendue et d’inégale valeur. Le système adopté a paré ingénieusement à l’un et à l’autre inconvénient. Les paysans, unis par la double chaîne de la propriété collective et de l’impôt solidaire, forment une communauté de village ou commune du premier degré (selskoé obchtchestvo). D’après l’acte d’émancipation, cette commune primaire se compose d’ordinaire des paysans qui jadis avaient le même seigneur et qui aujourd’hui possèdent les mêmes terres. Plusieurs de ces communautés voisines sont réunies en circonscriptions appelées volost. Ce mot est souvent traduit par canton, ou encore par bailliage ; en réalité, la volost russe, comme le township américain, tient le milieu entre le canton et la commune de France; par ses dimensions, comme par son rôle administratif, elle se rapproche même davantage de la commune. D’après la loi, la volost doit compter au minimum 300 âmes mâles soumises à la capitation, et autant que possible ne pas dépasser un maximum de 2,000; par suite le nombre des habitans y oscille entre 600 et 4,000. Le plus souvent la circonscription de la volost est la même que celle de la paroisse ecclésiastique, ce qui pour nous la fait encore ressembler plutôt à la commune qu’au canton. Parfois enfin, dans les gros villages, la volost n’est formée que d’une seule communauté, et alors les attributions de l’une et de l’autre se confondent comme leur circonscription.

La volost est d’introduction récente, au moins parmi les paysans naguère soumis au servage; chez les paysans de la couronne même, la création n’en est pas ancienne et ne remonte qu’à l’empereur Nicolas. Le nom s’en retrouve dans les vieilles chroniques russes, mais avec un sens assez différent et pour des régions notablement plus