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LE
NOUVEAU DROIT DES GENS
ET
LA MISSION DU PRINCE TCHERKASSKY.

Le 27 juillet 1874, une conférence où étaient représentés tous les états de l’Europe s’ouvrit à Bruxelles, sur l’invitation et sous la présidence de la Russie. Il s’agissait d’examiner en commun, de discuter, d’amender un projet de convention élaboré à Saint-Pétersbourg, lequel était destiné « à fixer les règles qui, adoptées d’un accord unanime par tous les pays civilisés, serviraient à diminuer autant que possible les calamités des conflits internationaux, en précisant les droits et les devoirs des gouvernemens et des armées en temps de guerre. » Tout le monde rendit hommage à la pensée généreuse qui avait déterminé l’empereur Alexandre à réunir cette conférence. Le projet que ses représentans apportaient à Bruxelles contenait les principes d’un nouveau droit des gens pendant la guerre, et les philanthropes se flattèrent d’abord que ce nouveau droit, accepté par toute l’Europe, serait un bienfait pour l’humanité. Leur espérance fut trompée. Les délégués ne se disputèrent point, mais ils discutèrent beaucoup; plus ils discutaient, moins ils s’entendaient, et la conférence n’aboutit point.

Le principal reproche qu’on fit au projet fut qu’il paralysait les droits de la défense. En commentant ses instructions, le délégué russe, M. le baron Jomini, remarqua que la guerre était autrefois une sorte de drame où la force et le courage personnels jouaient un grand rôle. « Aujourd’hui, ajouta-t-il, l’individualité a été remplacée par une machine formidable que le génie et la science mettent en mouvement. Il faut donc régler, si l’on peut ainsi parler, les inspirations du patriotisme; autrement, en opposant des entraînemens déréglés à des