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DIONYTZA
RÉCIT DE MŒURS GRECQUES

Lithara n’est pas un village ordinaire : il compte peu d’habitans, deux ou trois cents tout au plus, mais on est assuré de n’y rencontrer que de braves gens. Les maisons, groupées sur le flanc d’une colline peu élevée, sont propres, quoique petites; au dehors, les murs blanchissent sous le soleil, au milieu des jardins sans clôtures, plantés de figuiers et d’amandiers. Les plus riches n’ont que deux chambres, sombres et fraîches, toujours désertes en été: chaque famille, tant qu’il fait chaud, élit domicile en plein air, et la vie se passe ici presque tout entière au grand jour, sous le ciel, tout près de la mer, dont la surface éternellement paisible et bleue réfléchit avec la silhouette brune des montagnes la claire image de Lithara.

C’est une surprise pour le voyageur attardé qui suit la route de Corinthe à Patras que de traverser pendant la nuit ce village ignoré. S’il s’arrête un instant devant l’église silencieuse, sur une petite place qui couronne le sommet du coteau, il découvre à ses pieds un tableau saisissant, d’abord confus, mais dont tous les détails sortent bientôt de l’obscurité pour peu que le ciel soit éclairé par les rayons de la pleine lune. Au milieu des grands arbres, les maisons s’échelonnent irrégulières, et, comme les degrés d’un escalier ruiné envahi par la mousse, descendent jusqu’à la grève. Trois sources d’eau douce miroitent sur les galets comme autant de disques d’argent et forment un ruisseau qui coule en nappe transparente et va se perdre dans la mer. Le port étroit et profond balance à peine, sous l’effort insensible de ses lames, quatre ou cinq barques de pêcheurs, et au-delà le golfe de Corinthe s’étend jusqu’au rivage dépouillé de l’ancienne Phocide.

Le spectacle même du village ajoute à cette indicible sérénité de la nature qui sommeille un charme plus pénétrant : chaque maison a sa porte et sa fenêtre ouvertes afin d’absorber mieux pour les