quelques plantes, dont chacune renferme un alcaloïde caractéristique, lequel donne à la plante ses propriétés particulières : le quinquina (quinine), la noix vomique (strychnine), la ciguë (conicine, cicutine), le pavot (morphine, thébaïne, etc.), la belladone (atropine), le tabac (nicotine), le colchique (vératrine), et bien d’autres encore. Or toutes ces substances sont des poisons redoutables qu’on peut, avec les cyanures métalliques et les sels arsenicaux, regarder comme les plus dangereux de tous; comme de plus ils sont à l’état de sels dans les plantes, et par conséquent n’ont aucune action caustique, un instinct spécial devait nous avertir de leur danger, surtout si on songe que certaines plantes vénéneuses ressemblent à des plantes alimentaires et que cette confusion serait funeste. On sait que Parmentier eut beaucoup de peine à faire accepter aux Parisiens l’opinion que la pomme de terre n’était pas une substance vénéneuse, tellement la pomme de terre paraissait semblable à la belladone et au tabac.
Heureusement le goût est là pour nous avertir du danger. Tous les alcaloïdes sans exception ont une saveur amère insupportable extrêmement développée. Il suffit d’un centigramme de quinine pour donner à un verre d’eau une amertume notable. Est-ce à dire cependant qu’on ne pourrait être empoisonné par un alcaloïde? Non sans doute, car avec des substances à saveur très accentuée on arrive à masquer plus ou moins l’amertume des alcaloïdes. Tout le monde sait que le fameux Lapommerais a empoisonné une femme avec l’alcaloïde de la digitale; il est vrai que cette curieuse substance a la propriété d’accumuler ses effets, de sorte qu’au bout d’une semaine la même dose de poison produit deux ou trois fois plus d’effet que le premier jour ; on peut donc en donner chaque jour de petites quantités, dont la saveur amère passe inaperçue, et qui, s’accumulant de jour en jour dans le sang, finissent par entraîner la mort. Toutefois il est permis de dire que l’amertume des substances toxiques végétales est telle que, dans la plupart des cas, elle nous met en garde assez à temps et nous empêche de nous empoisonner. Si la substance est très active, si sa saveur est masquée par des principes sucrés et aromatiques placés dans la plante à côté de la substance vénéneuse, il pourra bien y avoir empoisonnement, mais, je le répète, ces conditions sont exceptionnelles, et n’infirment pas la loi générale.
On pourra objecter aussi que les alcaloïdes, à dose modérée, ne sont pas toxiques et que, dans un grand nombre de cas, ils ont sur l’organisme des effets salutaires. Voici par exemple un homme atteint de fièvre intermittente grave; il doit mourir infailliblement, s’il ne prend pas une forte dose de quinine, et cependant la saveur