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trous peu profonds. Alors sa pioche et sa bêche suffisaient à ce travail, et, si petite que fût la quantité d’or qu’il récoltait dans sa journée, elle suffisait pour lui constituer un salaire et entretenir en lui l’espérance; mais, lorsqu’il s’est agi de descendre dans les profondeurs de la terre pour y découvrir les filons aurifères, d’extraire le quartz et de le réduire en poudre, de lutter dans la nuit avec la nature qui se dérobe devant les recherches sans trahir le secret de ses cachettes opulentes, de supporter les déceptions d’un travail entrepris pour vous donner la richesse et qui tout à coup, faisant banqueroute à vos efforts, vous laisse plus pauvre que devant, force lui a bien été de reconnaître qu’il y avait quelque chose de plus puissant que le travail individuel même enflammé de convoitise, et que la conquête de ces richesses cachées n’était, dans la plupart des cas, réalisable que par la richesse acquise. Vivre de privations n’est rien lorsque le salaire est au bout, mais vivre de privations pour un travail stérile à l’égal de la plus absolue paresse, voilà de quoi lasser tout courage et révolter tout bon sens. Sous le coup de cette amère expérience, beaucoup ont quitté la partie de désespoir et sont retournés à leurs anciens métiers, tandis que leurs compagnons, tombant de la hauteur de leurs rêves sur le sol brutal de la réalité, consentaient à se mettre à la solde du capital, devenu maître de la situation, et à conquérir au profit d’autres cette richesse qui se refusait à eux. Des associations se sont formées, les mines ont passé aux mains de compagnies, l’exploitation s’est régularisée et organisée, et les champs de l’or, perdant leur prestige de fantastiques eldorados, sont devenus de simples chantiers de travail.

Ces compagnies sont nombreuses, et M. Trollope en a compté 1,200 grandes ou petites pour les seules mines de Sandhurst dans Victoria. Sont-elles aussi prospères que nombreuses? M. Trollope ne le pense pas, et il est d’avis que l’or n’est en définitive qu’une médiocre affaire pour tous les groupes de population qui s’en occupent, sociétés financières ou mineurs travaillant à leurs risques et périls. Aux mines à terres d’alluvion d’une exploitation facile ont succédé les mines de quartz ; les frais d’extraction sont considérables, l’outillage des mines, tout imparfait et rudimentaire qu’il soit resté, — la grossièreté des machines employées a frappé M. Trollope comme elle avait frappé M. de Beauvoir, — ne laisse pas que d’être coûteux, le travail est souvent improductif, les filons, souvent trompeurs, faussent brusquement promesse, et au bout de tant de difficultés quel est le résultat net ? A Ballaarat, une compagnie qui porte le nom poétique de la Bande de l’espérance met en barres chaque mois à peu près 3,000 onces à un coût d’environ la moitié de leur valeur, ce qui assurément est loin de répondre aux exigences que ce mot d’or a le privilège décevant d’inspirer. D’ordinaire,