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d’y découper des lots modérés dans les étendues plus particulièrement propres à l’agriculture. Alors s’élevèrent les plaintes des squatters. Ils ne possédaient pas le sol, cela était vrai, mais ils en étaient les locataires, et on disposait de terres pour lesquelles ils avaient contracté des baux en toute bonne foi et payaient une rente. Ces plaintes furent entendues, et en 1846 un acte du parlement britannique, confirmé par un ordre du conseil de 1847, réforma les conditions des licences pastorales pour la Nouvelle-Galles du sud, qui comprenait alors, outre son territoire, ceux de Queensland et de Victoria, c’est-à-dire toutes les régions australiennes plus particulièrement propres aux élevages des troupeaux. Les pâturages furent divisés en deux classes ; pour la première, les licences furent annuelles, la terre pouvant être ouverte à la vente dans ce délai. Pour la seconde, les licences eurent un cours de quatorze ans, et la redevance fut fixée à 2 livres 10 shillings par 1,000 moutons, avec garantie contre toute vente pendant la durée de ce bail et droit préemptif d’achat pour le squatter à son expiration. C’était obtenir ample satisfaction ; malheureusement à la fin de cet acte du conseil il se glissa une clause élastique réservant les droits du gouvernement sur ces pâturages pour les travaux d’utilité publique, chemins de fer, routes, écoles, et généralement pour tout autre objet pouvant faciliter le développement de la colonie. Il est aisé de comprendre quel parti ont tiré de cette clause les derniers gouverneurs du premier régime australien et à leur suite les législatures des diverses colonies. Quel objet, a-t-on dit, est plus favorable au développement des colonies que l’accroissement de la vie agricole encore si chétive parmi nous? C’est d’agriculteurs que nous avons besoin aujourd’hui avant tout plutôt que d’éleveurs de troupeaux. Faisons-nous tort d’ailleurs à ces derniers en disposant d’une partie des terres qu’ils occupent? Non, car les terres propres au pâturage sont infiniment plus nombreuses que les terres propres à l’agriculture. Ce ne sera donc jamais que quelques parcelles que nous détacherons des vastes étendues qu’occupent les squatters, et, pour empêcher l’accumulation de trop vastes domaines dans les mêmes mains et appeler le plus grand nombre possible de colons à la culture, nous subdiviserons encore ces parcelles en limitant rigoureusement le nombre d’acres que tout acheteur pourra choisir dans les lots mis en vente. De vastes espaces ont ainsi été ouverts au choix des agriculteurs, dans Queensland la moitié des runs, dans Victoria toute la région désignée sous le nom de terres intermédiaires où les baux étaient annuels, et une grande partie des terres tenues par licences pastorales de quatorze ans, infraction notoire aux garanties données aux squatters, dans l’Australie du sud toute la partie méridionale de la colonie.