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MOLIERE
D’APRÈS
SES DERNIERS BIOGRAPHES

I. Œuvres de Molière, éditées par M. Eug. Despois. — II. Les Points obscurs de la vie de Molière, par M. Loiseleur, 1877. — III. Bibliographie moliéresque, par M. Paul Lacroix, 1875. — IV. Iconographie moliéresque, par le même, 1876. — V. Registre de La Grange, publié par M. Edouard Thierry, 1876. — VI. La Fameuse Comédienne, annotée par M. Ch. Livet, 1877.


I.

D’autres sont Romains, comme le vieux Corneille, et d’autres, comme Racine, seraient Grecs, Molière est Gaulois : c’est le secret de sa popularité. Gaulois de race, qui va droit aux sources, trop dédaignées par ses contemporains, de l’antique malice et de la gaberie traditionnelle, — Gaulois de tempérament, qui n’aime pas à perdre terre, également éloigné du romanesque et de l’héroïque, ne s’élevant jamais au-dessus d’un certain niveau moral, — Gaulois d’allure, qui ne s’effarouche ni d’une parole franche ni d’un geste hardi : je parle de l’œuvre et non de l’homme, puisque ce grand moqueur vécut triste et mourut hypocondriaque. On se lasse donc parfois, même en France, non pas, à la vérité, sans quelque dépit de soi-même et quelque remords de conscience, mais enfin on se lasse de Corneille et de Racine : on ne s’est point encore lassé de Molière. Molière n’a pas seulement ses fidèles, il a ses