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des cadeaux pour tous les actes du gouvernement, pour les grâces, pour la justice. On la voit environnée d’une bande d’entremetteurs, d’écorcheurs. » — « Entre dona Olimpia et sa sainteté, il y eut toujours d’excellentes relations et une sympathie affectueuse, écrivait en 1651 un autre ambassadeur vénitien, Giustiniani. Panzirolo essaya de détacher sa sainteté de l’amour de cette femme. Il échoua, car, tant qu’Innocent vivra, il conservera ce vieil amour enraciné qui s’est emparé si puissamment de lui, con si benigni et affettuosi nodi fece già lunga presa su lui. La rapacité de cette femme, poursuit-il, est incroyable, et les actions qu’elle commet pour amasser de l’argent sont si indiscrètes, basses, odieuses et injustes, qu’il ne me paraît pas décent de les raconter ici. En un mot, dans la cour de Rome, on la considère comme une femme ignoble, de mœurs plébéiennes, infimi, et dégradées, tout adonnée à thésauriser, en mettant de côté toute pudeur, tout respect ; méchante en tout, vendant tout, jusqu’à l’autorité du pape, à qui veut l’acheter. L’avarice et la cupidité exceptées, dona Olimpia est capable de bien gouverner et de bon conseil. Jolie de sa personne, agréable dans la conversation et dans ses manières, indifférente à tous les princes, elle est pour celui qui donne le plus… » Tous les moyens les plus pervers que peut inventer le démon de l’avarice, elle sut les mettre en œuvre. Les épouvantables rapines des Barberini étaient dépassées. Ils avaient rançonné les populations en doublant ou en triplant à leur profit les produits du fisc ; ils avaient pillé et ravagé de fond en comble l’état de Castro, en pleine guerre, mais on ne pouvait leur reprocher aucune simonie ; ils n’avaient jamais trafiqué des bénéfices ecclésiastiques. Sous le règne de la toute-puissante Olimpia, de plus effroyables abus pénétrèrent non-seulement dans toutes les branches de l’administration, mais encore jusque dans la daterie. Jamais on ne vit dans Rome tant de malversations, de concussions, d’extorsions de tout genre, dont le produit était versé presque intégralement dans les coffres de la signora. Les charges de juges au criminel n’étaient données qu’à ses créatures. Au lieu d’appliquer aux coupables les peines ordonnées par la loi, ces juges les condamnaient à des compositions arbitraires dont Olimpia touchait la plus grande partie. Bientôt, jusque dans la daterie, tout dépendit de son bon plaisir, et nous avons sur ce point les témoignages les plus indiscutables : ceux, par exemple, de l’ambassadeur de France à Rome et du père Rapin, jésuite, dans ses Mémoires. Jusque-là c’était au cardinal dataire qu’avait appartenu le droit de conférer les charges vénales, moyennant certaines redevances que les titulaires devaient verser à la chambre apostolique. Sous le règne d’Olimpia, le cardinal Cecchini, homme d’une grande intégrité,