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ne le pousse à agir; pusillanime lorsqu’il s’agit de prendre une mâle résolution; cherchant à se soustraire aux inquiétudes par des moyens honteux; parlant peu, écoutant beaucoup; redoutant les esprits supérieurs et gardant le silence pour ne pas se découvrir, caressant les princes tout en leur refusant des grâces, ingrat envers ses amis et n’osant offenser ses ennemis; rendant les négociations difficiles, moins à cause de sa brusquerie naturelle que de l’ambiguïté de ses réponses; renvoyant toutes les affaires importantes aux congrégations, et enfin n’ayant d’oreilles que pour la virile Olimpia, sa belle-sœur, femme de la plus haute capacité.

Au moment où nous sommes, c’est-à-dire à l’époque où le coadjuteur de Paris brigue le chapeau, le pape est un vieillard octogénaire, accablé d’infirmités, cloué au lit par la goutte les trois quarts de l’année. Autrefois actif, intelligent, prudent, énergique, maintenant la mémoire éteinte, l’esprit affaibli, il n’est plus que l’ombre de lui-même et se trouve à peu près hors d’état de surveiller les actes de son gouvernement. En tout et pour tout, il est dévoué à l’Espagne, à qui il doit son élection à la tiare, et en toute rencontre il se montre l’implacable ennemi de la France et de Mazarin, qui l’avaient formellement exclu lors des votes du conclave. Ce fut donc avec le plus vif empressement qu’il accueillit les premières ouvertures que lui fit le coadjuteur pour entrer dans le sacré-collège, car Innocent n’ignorait pas que, si Retz était revêtu de la pourpre, personne ne lutterait avec plus d’avantage que lui contre Mazarin. La nouvelle de la nomination du coadjuteur au cardinalat le transporta de joie, mais elle ne put le faire sortir de sa lenteur habituelle, et, comme il y avait à faire à la fois une promotion d’un assez grand nombre de sujets, le dénoûment traîna en longueur pendant plusieurs mois, au grand désespoir du coadjuteur.

Le second personnage sur l’influence duquel Retz comptait le plus, après le pape, c’était la signora Olimpia, qu’il est utile de faire connaître avec quelque détail pour l’intelligence d’une partie des intrigues du coadjuteur auprès de la cour de Rome.

Olimpia Maidalchini joignait au génie des affaires et à une connaissance approfondie des hommes une extrême ambition et une avidité sans égale. Elle avait apporté à la maison Pamfili une grande fortune, et, comme après la mort de son mari elle n’avait pas voulu se remarier. Innocent lui avait confié l’administration des biens du défunt. Elle y fit preuve d’une si grande habileté qu’il ne dédaigna pas de la consulter sur les affaires d’état les plus épineuses, et elle y montra si bien les qualités d’un esprit supérieur qu’il fit d’elle son conseiller le plus intime. Tout en gouvernant son beau-frère de