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conséquences du vote qu’il va émettre. — A entendre les coalisés du 16 mai, si les 363 reviennent, tout est perdu ; le radicalisme triomphe, et va commencer son œuvre de destruction. La France est menacée dans son repos, dans ses intérêts, dans son crédit extérieur. C’est, comme on le dit, la désorganisation sociale, religieuse, administrative, judiciaire, militaire ! A entendre les représentans de l’ancienne majorité des 363, si la coalition patronnée par le ministère l’emporte, c’est la réaction à outrance, le règne des influences cléricales, le gouvernement personnel, le despotisme administratif, la guerre ! Nous n’avons en définitive que le choix des fléaux dont on nous menace, qui vont se déchaîner sur nous, sortant du terrible scrutin comme de l’outre aux tempêtes. Nous ne contestons pas les dangers ou les difficultés qui peuvent naître d’une victoire trop complète de l’un ou de l’autre parti. Il est certain que dans les deux cas la situation serait critique. Heureusement entre les partis il y a le pays, ce bon pays laborieux, calme, sensé, qui est tout à son œuvre de chaque jour pendant qu’on s’agite à la surface, qui a vu passer ces derniers événemens, non avec indifférence, mais sans se laisser troubler, avec une certaine surprise inquiète et circonspecte, avec une émotion contenue, silencieuse. C’est de ce peuple paisible, laborieux que tout dépend, et, autant qu’on puisse saisir l’instinct profond qui anime la masse de la population française, il est évident que le pays, tel qu’il est aujourd’hui, n’entend se livrer à aucun parti extrême. Ce qu’il désire visiblement, ce qui est son intérêt aussi bien que son sentiment intime, c’est qu’on maintienne les institutions qui existent, qui, pratiquées avec loyauté, avec une prudente intelligence, peuvent le défendre de ces révolutions ou de ces réactions outrées dont on le menace. Que le ministère se hâte donc d’en finir avec la crise qu’il a ouverte ; qu’il se hâte de consulter ce pays sage et adonné au travail, qui pourra bien ne pas répondre par une sanction éclatante du 16 mai, mais qui certainement ne donnera pour mission à ceux qu’il va élire que de lui épargner des convulsions nouvelles. Au point où nous en sommes, serait-ce vraiment sensé de subtiliser avec des textes législatifs, de chercher à gagner du temps avec des distinctions dignes de Beaumarchais ? C’est là en effet ce qui se passe aujourd’hui. La constitution dit qu’en cas de dissolution les collèges électoraux doivent être convoqués dans un délai de trois mois. N’est-ce pas suffisamment clair ? Ne faut-il pas vraiment avoir la passion des subtilités pour chercher si la constitution a voulu dire que les élections auraient lieu dans les trois mois, ou que le décret de convocation seulement devait paraître dans ce délai, avec faculté de fixer un jour ultérieur pour les élections elles-mêmes ? tout cela, on en conviendra, est assez puéril, et si le résultat du scrutin devait tenir à ce grave débat, à quelques jours de plus ou de moins, il vaudrait autant charger le hasard de tirer les