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subterfuges des partis, lorsque le gouvernement lui-même a l’air d’être la représentation vivante de toutes les opinions qui méditent la ruine des institutions ? C’est fatalement l’équivoque en permanence. Le malheur de la politique du 16 mai est d’être le règne de l’équivoque, de laisser tout redouter ou tout espérer, et, sous prétexte de sauvegarder les intérêts conservateurs, d’avoir compromis peut-être ces intérêts avec l’autorité morale du gouvernement dans cette carrière d’agitation ouverte depuis deux mois à toutes les passions, aux compétitions les plus opposées. C’est là précisément ce qui fait que tous ces événemens récens, cette crise trop peu motivée, cette dissolution conquise sur les perplexités du sénat, ces élections préparées dans des termes mal définis, laissent partout une sorte de malaise et d’inquiétude. La confiance ne va qu’à ce qui est clair, elle ne va pas à l’équivoque. Si la confiance manque aujourd’hui, c’est qu’on ne voit pas où l’on va, c’est qu’on ne sait pas même au juste ce que poursuit le gouvernement, et peut-être quelques-uns des ministres sont-ils les premiers à sentir ce qu’il y a de redoutable dans une situation dont l’issue, quelle qu’elle soit, peut créer de nouveaux périls.

Il faut parler avec franchise. La faute du gouvernement n’est point d’avoir eu la pensée de fortifier des garanties conservatrices dont la France a certes toujours besoin ; elle n’eût même pas été, après une expérience plus complète et plus décisive toutefois, de faire appel à la raison du pays pour avoir une chambre plus modérée. La faute ou le malheur du gouvernement est d’avoir conduit toute cette affaire comme une sorte de coup d’état, de s’être lancé aventureusement, au risque de tout ébranler, et de se trouver aujourd’hui dans des conditions telles qu’il est perdu s’il échoue aux élections, et qu’il n’est pas beaucoup plus en sûreté s’il réussit avec les alliés qu’il a choisis ou qu’il a subis. Le gouvernement croit être conservateur ; il a même la prétention de résumer toute sa politique dans ce seul mot, par lequel il pense répondre à tout et tout pallier. Ce qu’il y a de certain, ce qui est précisément le grief de bien des esprits modérés contre lui, c’est qu’au lieu de servir avec prévoyance les intérêts conservateurs, il les a plutôt gravement exposés, il les a mis en péril depuis le premier jour, et par la manière dont il a ouvert cette crise, et par les procédés plus compromettans qu’efficaces auxquels il se sent obligé d’avoir recours, et par les connivences sur lesquelles il s’appuie, et par les confusions qu’il a créées.

Certes, s’il y avait une garantie conservatrice dans l’organisation constitutionnelle donnée à la France, c’était cette présidence inviolable, cette quasi-royauté qui a été créée en 1873, confirmée en 1875, et qui, d’un commun accord, est restée jusqu’ici en dehors, au-dessus des luttes de partis. M. le maréchal de Mac-Mahon était, comme tous les