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Banque de France pour racheter Paris aux Allemands. Ce n’est pas tout : des réclamations privées s’élevaient contre la ville pour la réparation des pertes occasionnées par les deux sièges ; elles méritaient bien d’être prises en considération ; enfin et surtout, l’écart entre les recettes et les dépenses ordinaires atteignait d’énormes proportions. Pour l’année 1870, tous les documens ayant été brûlés, on ne pouvait établir le déficit ; mais pour 1871 on l’évaluait à 46 millions, les recettes étant estimées à 90 millions et les dépenses à 136 ; pour 1872 on pressentait un résultat analogue, et encore se livrait-on à des calculs optimistes, puisque les comptes réglés depuis ont porté le déficit de 1871 à 66 millions et celui de l’année suivante à 50.

Le nouveau préfet, chargé d’une tâche qui n’était point au-dessus de son expérience et de sa résolution, proposa : 1° la désaffectation de 100 millions des ressources de l’emprunt de 1869 pour régulariser l’emploi de pareille somme affectée à d’autres objets que l’emploi légal ; 2° l’émission d’un emprunt de 350 millions de francs ; 3° la création d’une nouvelle dette flottante de 60 millions ajoutée à l’ancienne. C’était plus d’un demi-milliard de dettes contractées à nouveau pour les dépenses d’une seule année, sans avoir encore rien soldé de celles dont l’emprunt de 1869 avait été la conséquence, et le budget de la ville laissait prévoir un déficit de plus de 40 pour 100 dans les recettes ordinaires.

A côté de cette situation financière, qu’il a fallu résumer en quelques chiffres dont l’aridité n’a que trop d’éloquence, rappellerons-nous la situation politique et les appréhensions que pouvait faire naître dans les esprits les moins pessimistes la nomination de ces 80 membres du conseil municipal sortis directement du suffrage universel, sans notoriété pour la plupart, sans expérience des affairés, sans influence personnelle, même locale, chargés d’inaugurer un système entièrement nouveau et de résoudre le problème singulièrement difficile d’imposer de lourds sacrifices à une population malheureuse et irritée ?

Entre cette année 1871 et celle où nous sommes, entre le budget de M. Léon Say et celui qu’a fait adopter pour 1877 M. Ferdinand Duval, quelles variations devons-nous signaler ? Comment ont été restaurées les finances de la ville de Paris ? Quelles sont les recettes et les dépenses ? Quelles sont les charges du présent et celles de l’avenir ? Il est assurément curieux et instructif de le dire, et ce n’est point seulement une étude financière bonne à suivre en ses détails, un tableau de chiffres à dresser, mais on peut y voir le résumé, ou, pour mieux dire, l’image fidèle de la situation de notre pays tout entier, tant au point de vue de nos ressources