l’animal qu’il veut atteindre. La légèreté de l’une des boules imprime un mouvement de giration à ce projectile à trois branches et les courroies s’ouvrent en forme d’étoile. Si l’une d’elles rencontre un obstacle, elles s’enroulent autour de lui si vite et si serrées qu’un cheval courant à toute vitesse doit s’arrêter net quand il est de la sorte saisi aux jambes. Ses efforts pour se dépêtrer ne font que resserrer ses liens. De près, et dans un combat à l’arme blanche, les boules protègent leur propriétaire par un moulinet fort efficace. De loin, et comme arme de jet, elles ont l’avantage de pouvoir être maniées à cheval et au grand galop. La rapidité de l’allure aide au contraire à la force et à la sûreté du coup. Tout Indien lance les boules avec une précision infaillible à 100 ou 120 mètres. Sans elles, on n’attraperait jamais un cheval sauvage, car le vrai cheval sauvage, qui du reste est rare, ne se laisse pas aborder à longueur de lazo. La plupart des chevaux libres du désert sont d’anciens chevaux domestiques émancipés, des animaux d’estancia qui connaissent l’homme et même la bride. Le bagual, fils et petit-fils d’aïeux indomptés, est peu fréquent et généralement plus médiocre que les autres. Il est toujours ombrageux et presque toujours mou.
Toutes les espèces d’oiseaux aquatiques sont représentées à profusion. Les cygnes blancs à col noir, les oies sauvages, vingt variétés de canards peuplent les lacs, dont l’eau disparaît quelquefois sous des volées de flamans roses. Les oiseaux de terre sont plus clair-semés : des faucons, des éperviers, des chouettes, — qui sont devenues diurnes et se terrent, n’ayant ni murailles ni arbres où nicher, — une grosse perdrix très savoureuse, qui vit par couples et qu’on nomme martineta, un autre oiseau insipide qu’on appelle aussi perdrix en raison de quelque ressemblance de plumage et qui paraît mise au monde tout exprès pour défrayer les festins des renards argentés, des chats sauvages et des fouines, qui pullulent, c’est là tout ou à peu près. Les petits oiseaux, les mignons chanteurs, sont très rares. Il n’y a pas assez de graines pour eux, et il leur faut des rochers ou des arbres. Ils ne sont pas comme le gaucho, ils n’aiment pas coucher en plein vent. Ce n’est qu’en se rapprochant de la sierra Curumalan qu’on les retrouve, mêlés à des cohortes de perruches criardes. Au bord des lacs joue un petit quadrupède que les gauchos du sud appellent lièvre, ceux du nord lapin, les savans dolichotis, et dont aucune collection sans doute ne possède un exemplaire vivant, car il a été longtemps regardé comme impossible de l’élever en captivité. Les soldats ont résolu le problème par un procédé qui donnera une idée de leur ingénieuse patience. Ils prennent une femelle près de mettre bas et, avec une