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LA CONQUÊTE
DE
TROIS MILLE LIEUES CARRÉES

SOUVENIRS ET RÉCITS DE LA FRONTIÈRE ARGENTINE

Les peuples jeunes sont comme les enfans. Ils ont des maladies subites, des convalescences surprenantes. En un instant, ils sont accablés, sans souffle, on les croit perdus ; cette crise de croissance passée, on s’aperçoit qu’ils en sortent grandis. Grandis ? c’est plutôt allongés, étirés, qu’il faudrait dire. La secousse les laisse débiles ; mais ils ont une faculté d’assimilation admirable pour attirer à eux les élémens destinés à réparer leurs forces, et à rétablir, comme dirait un physiologiste, l’équilibre de leurs fonctions.

La république argentine vient de passer par une de ces alternatives de progrès fiévreux et de chutes profondes à travers lesquelles jusqu’à présent s’est déroulée son histoire. Pour avoir voulu marcher trop vite, faire étalage de vigueur, d’activité et de crédit, elle est un beau matin tombée épuisée, succombant à la fois sous le poids des dettes et du découragement. Après une prostration de trois années, elle essaie aujourd’hui quelques pas languissans. Elle se tâte pour savoir si elle en reviendra. Il se trouve que les sources de sa prospérité n’ont pas été profondément atteintes, et qu’elle a gagné sans s’en apercevoir durant cette période néfaste une étendue de terre suffisante pour occuper l’énergie et assurer la richesse d’un million d’hommes. C’est là un phénomène dont ne peut donner