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les deux sens ; de l’étang de Berre à Port-Vendres, la mer s’éloigne toujours davantage. A Marseille, le parvis du temple de Diane, la déesse protectrice de la ville grecque, occupé plus tard par l’église de la Major ou de Sainte-Marie-Majeure, s’est trouvé un jour entamé par l’eau. Depuis l’époque de César, la mer a gagné là 250 mètres sur la terre. Plus loin, un sentier massaliète, qui suivait sans discontinuité le bord du littoral, est aujourd’hui coupé par parties, et le long de la plage on retrouve les débris d’antiques villas romaines, peu à peu descendues dans la mer. Dans le golfe de La Ciotat, la ville de Taurentum, créée par les Phocéens, a tout à fait disparu sous les eaux. Les vagues, de temps en temps, rejettent sur le rivage des débris de mosaïques, et mêlent aux galets qu’elles roulent de petits cubes de marbre, quelquefois encore cimentés entre eux. Ailleurs ce sont au contraire les eaux qui s’éloignent, ou plutôt le rivage qui se soulève et émerge, puisque l’ancien port de Fréjus, forum Julii, où mouilla la flotte d’Octave, est aujourd’hui éloigné de 2 kilomètres de la mer.

Du port de Bouc aux Pyrénées, le rivage va de même s’avançant de plus en plus, et ici le phénomène est dû principalement aux apports du Rhône et à la direction dominante des vents. Le canal naturel de Caronte, par lequel l’étang de Berre communique à la mer, serait depuis longtemps comblé sans les draguages incessants que les pêcheurs sont obligés d’y faire pour étendre leurs filets ou bourdigues. Le delta qui forme les embouchures du Rhône empiète sans cesse sur la mer. Le fleuve, capricieux, indomptable, le « fleuve incorrigible, » comme l’appelait Vauban, ne supporte aucun endiguement. Les sables qu’il rejette à la mer en masses si formidables troublent insensiblement l’économie de ces rivages, et des ports tels que celui d’Aigues-Mortes ne sont plus accessibles aux navires. La côte s’est barrée peu à peu. Le mélange des eaux douces aux eaux salées, comme dans la maremme toscane ou les marais pontins, a formé çà et là des étangs, des lagunes, dont les émanations empestées donnent naissance à des fièvres paludéennes, souvent pernicieuses, et ces rivages, autrefois très peuplés, ont été presque partout transformés en mornes déserts. Les Saintes-Mariés, Saint-Gilles, Aigues-Mortes, Frontignan, Agde, Narbonne, La Nouvelle, ont eu un passé glorieux, et maintenant sont devenues pour la plupart des villes qu’on pourrait dire fossiles. C’est aux Saintes-Maries que la légende pieuse place l’arrivée de Marie de Magdala, de Marie Jacobé, sœur de la Vierge, et de Marie Salomé, mère des apôtres Jacques et Jean. Elles étaient accompagnées de Marthe, de Lazare, de Maximin et de quelques autres, et le peuple de Provence a conservé pour tous ces saints une vénération particulière.

Le port de l’étang de Tau, Cette, de fondation récente, puisque