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défiler tout l’Olympe à travers une histoire d’amour. C’est sans doute ce déploiement mythologique, cette monomanie d’hellénisme, joints à la surabondance de citations empruntées un peu partout et à des digressions souvent paradoxales sur les arts et sur l’histoire, qui refroidissent l’intérêt d’un livre plus magistralement composé d’ailleurs que tous les autres romans de Ouida. Peut-être aussi le sentiment quasi religieux de la grandeur de Rome, sentiment qu’elle réussit à nous communiquer d’une manière presque oppressive, contribue-t-il à gêner son essor comme il a gêné celui de bien d’autres écrivains. — A Rome, dit-elle quelque part très justement, l’art et la nature se disputent sans cesse la suprématie, c’est la lutte perpétuelle d’un titan contre un dieu, une lutte à laquelle les témoins mortels assistent haletans de crainte respectueuse. A Florence, l’art et la nature marchent les mains enlacées, en nous souriant. Florence, assise dans ses prairies toutes blanches de lis, ne sera jamais vieille, jamais terrible ni désolée. Dès son enfance, elle fut nourrie du suc de la liberté ; cette manne lui a donné la jeunesse éternelle. La liberté continue à lui tenir compagnie et brille sur elle comme la lumière même du matin. — Aussi, tandis qu’une atmosphère pétrifiante, pour ainsi dire, pèse sur Ariadné, dont les péripéties se déroulent, à travers les longues perspectives des galeries, à l’ombre écrasante du palais des césars, entre des personnages qui semblent empruntés eux-mêmes à la population marmoréenne de ce musée où l’imagination de l’auteur les évoqua en les faisant grands et solennels comme des mythes, dans la crainte sans doute que les simples proportions humaines ne fussent trop petites pour le cadre qu’elle leur prêtait, la joie, le naturel, la liberté, la vie éclatent au contraire dans Pascarèl, le premier des romans que Ouida ait placés à Florence, une brillante fantaisie, sans prétentions d’aucune sorte et d’autant plus agréable à lire, lorsqu’on sort des majestueux labyrinthes dont Ariadné est la divinité.


III

Avouons notre prédilection très vive pour ce roman de Pascarèl, touffu, capricieux, fantasque et poétique comme certains récits de George Sand, Teverino par exemple, qui vous emportent dans un monde invraisemblable peut-être, côtoyant la féerie, mais où l’on ne peut regretter qu’une chose, c’est qu’il n’existe pas en réalité. Le sujet n’est rien par lui-même ; le raconter nous semble presque impossible : un soir de carnaval, à Vérone, une petite chanteuse des rues, en guenilles de brocart et de velours, rencontre le comédien