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la plume. Même après l’entrée de Signa dans les écoles de Bologne, où l’envoie son père adoptif et dont il devient l’étoile, cela va sans dire, il y a encore quelques passages à noter.

Nous pardonnons volontiers au nouveau Cimarosa de réussir trop vite à faire jouer son opéra d’Actéa et de passer du jour au lendemain de son obscurité profonde au rang d’idole des plus grandes dames ; il est convenu que c’est, dans les romans, la destinée inévitable des musiciens de génie ; d’ailleurs l’auteur a le bon goût de ne point nous faire suivre pas à pas cette marche triomphale ; nous restons auprès de Bruno saintement heureux de son sacrifice, bien que l’oubli apparent de celui qui en est l’objet le torture par intervalles, — auprès de Palma, qui, tout en comprenant trop que Signa, qu’elle aime plus que ses frères, plus qu’elle-même, n’aura rien de commun avec elle désormais, suspend un tableau votif à l’église pour obtenir qu’il aille de plus en plus haut dans la voie qui l’éloigné d’elle.

Signa est incapable d’ingratitude ; il rapporte ses premiers lauriers au bienfaiteur dont le dévoûment infatigable lui a permis de les cueillir ; ce retour au village, l’admiration enthousiaste des paysans qui affluent sur son passage en acclamant leur enfant comme un roi et en chantant sa musique, déjà populaire, le délire d’orgueil et de joie du pauvre Bruno, l’angoisse touchante de Palma, qui quelque temps auparavant a dû vendre son unique beauté, ses lourdes tresses noires, pour subvenir aux frais de l’enterrement de son père, et qui souffre le martyre de se sentir laide aux yeux du bien-aimé, tout cela est encore exquis, tout cela nous rend d’autant plus sévères pour le dénoûment banal et prévu qui va suivre.

Longtemps Signa, en dépit des avances de mainte aristocratique déesse qui se penche vers lui, comme autrefois Diane vers Endymion, n’a aimé que son art. Un jour vient cependant où les anges de ses visions prennent des figures de femmes, et parmi ces figures il y en a une qu’il reconnaît vaguement, qu’il attend toujours, celle qu’il nomme Lamia, pour en faire l’héroïne de son prochain opéra, et que dans son cœur peut-être il appelle encore Gemma. Ici nous allons verser dans l’ornière : Signa cessera d’être une peinture fidèle et intéressante de mœurs pastorales et de caractères rustiques en Toscane, nous n’assisterons plus qu’à la lutte tant de fois décrite entre le génie pris de vertige et le vice qui l’étreint, qui l’étouffé, entre l’amour sincère, condamné d’avance, et la beauté sans âme. Victorieuse de tout. Signa périra entre les mains d’une nouvelle Dalila, comme son émule André Roswein. Ce sujet n’est-il point épuisé ? Ouida ne le croit pas sans doute. Déjà son long roman de Puck mettait en présence, aux côtés d’un homme terrassé par la débauche, deux figures de femmes, l’une impure entre toutes,