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de Gondi, grâce aux sollicitations de son père, ancien général des galères, devenu prêtre de l’Oratoire, finit par obtenir d’Anne d’Autriche ce poste si ardemment désiré, son premier échelon pour arriver à l’archevêché, puis, comme deux de ses oncles, au cardinalat.

Nous touchons à l’un des momens les plus décisifs de la vie de Retz, à l’heure où, pour exercer ses nouvelles fonctions, il est tenu de se faire prêtre. Écoutons sa propre confession, qui jette une si vive lumière dans les profondeurs de son âme : « Comme j’étais obligé, dit-il, de prendre les ordres, je fis une retraite dans Saint-Lazare, où je donnai à l’extérieur toutes les apparences ordinaires. L’occupation de mon intérieur fut une grande et profonde réflexion sur la manière que je devais prendre pour ma conduite. Elle était très-difficile. Je trouvais l’archevêché de Paris dégradé, à l’égard du monde, par les bassesses de mon oncle, et désolé, à l’égard de Dieu, par sa négligence et par son incapacité. Je prévoyais des oppositions infinies à son rétablissement, et je n’étais pas si aveuglé que je ne connusse que la plus grande et la plus insurmontable était dans moi-même. Je n’ignorais pas de quelle nécessité est la règle des mœurs à un évêque, je sentais que le désordre scandaleux de celles de mon oncle me l’imposait encore plus étroite et plus indispensable qu’aux autres, et je sentais, en même temps, que je n’en étais pas capable, et que tous les obstacles de conscience et de gloire que j’opposerais au dérèglement ne seraient que des digues fort mal assurées. Je pris, après six jours de réflexion, le parti de faire le mal par dessein, ce qui est sans comparaison le plus criminel devant Dieu, mais ce qui est sans doute le plus sage devant le monde, et parce que, en le faisant ainsi, on y met toujours les préalables qui en couvrent une partie, et parce que l’on évite par ce moyen le plus dangereux ridicule qui se puisse rencontrer dans notre profession, qui est celui de mêler à contre-temps le péché dans la dévotion. Voilà la sainte disposition avec laquelle je sortis de Saint-Lazare. Elle ne fut pourtant pas de tout point mauvaise, car je pris une ferme résolution de remplir exactement tous les devoirs de ma profession et d’être aussi homme de bien pour le salut des autres que je pouvais être méchant pour moi-même. » Enregistrons de tels aveux qui nous découvrent dans ses derniers replis l’âme de Retz, et qui nous donneront la clé de ce qui va suivre.

Né à une époque où l’incrédulité avait pénétré fort avant dans les hautes classes, il appartenait à la race des esprits-forts, des libertins, comme on élisait en ce temps-là. Il était lié avec les Fiesque et les Ruvigny, qui, dans les salons du Marais, à l’exemple du poète Théophile Viaud, leur maître, faisaient hautement profession d’athéisme. « C’est à tort qu’on l’accuse d’être janséniste, disait plaisamment de lui un pamphlétaire ; avant d’être janséniste, il