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Il parait bien surprenant que cette élégante maison, à peine séparée des palais impériaux par des portiques et des rues, ait pu subsister sans changement notable depuis la fin de la république jusqu’à la ruine de l’empire. Peut-être était-elle protégée ; par le souvenir des hôtes illustres qui l’habitèrent dans les premières années ; peut-être aussi les césars qui suivirent avaient-ils une raison particulière pour l’entretenir et la réparer avec tant de soin. Quelque plaisir qu’on trouve à être empereur ou roi, il y a des momens où ce métier assujettissant ennuie et où l’on éprouve le besoin de descendre un peu de ces hauteurs. Cette vie officielle et publique lasserait les plus intrépides ambitieux si elle n’était interrompue de temps en temps par un peu de solitude et d’ombre. Louis XIV lui-même, si fait pour cette représentation perpétuelle et qui s’y était habitué dès l’enfance, allait à Marly, où l’étiquette était moins rigoureuse, pour échapper à ce que Saint-Simon appelle la mécanique de la cour, et s’appartenir un peu plus à lui-même. Qui sait si cette petite et charmante maison, si voisine des palais impériaux et pourtant indépendante d’eux, où rien ne rappelle la dignité suprême, n’a pas quelquefois servi de retraite aux princes fatigués des soucis de l’empire ? Elle était tout à fait propre à les délasser ; elle leur offrait une image de la vie privée vers laquelle on se retourne toujours avec quelque regret quand on l’a quittée. Il me semble qu’indépendamment du plaisir que causent les belles peintures qui en couvrent les murailles, la pensée que des princes comme Vespasien ou Titus, Trajan ou Marc-Aurèle, l’ont souvent fréquentée, qu’ils y ont passé des heures agréables dans de douces causeries avec leurs amis, augmente l’intérêt qu’on éprouve à la visiter.

Il ne reste rien de Néron au Palatin. Comme il avait par-dessus tout le goût du gigantesque, il rêva de se faire un palais où tout une ville fût contenue. L’étroite colline, couverte déjà de temples et de maisons respectés, ne lui donnait pas assez de place pour les constructions qu’il méditait ; il résolut de bâtir son palais ailleurs. Déjà, pour construire le sien, Caligula avait empiété sur le Forum ; Néron imagina d’aller rejoindre les jardins de Mécène à travers la vaste plaine qui sépare le Palatin et le Caelius de l’Esquilin. Quand le terrible incendie, qui dura dix jours, eut débarrassé le terrain des maisons qui l’encombraient, les architectes de Néron, Sévère et Celer, se mirent à l’œuvre. Leur imagination hardie, féconde en combinaisons imprévues, était faite pour charmer un prince dont l’esprit malade n’aimait que les spectacles nouveaux et les conceptions extraordinaires. Ils lui bâtirent un palais comme on n’en avait jamais vu. L’espace immense dont ils disposaient fut rempli de constructions de toute sorte. A l’entrée, vers l’endroit où Hadrien