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certainement plus ancienne que le portique ; divers détails de construction montrent qu’elle date de la fin de la république ou des premières années de l’empire. Elle continua d’exister au milieu des changemens que subissait le Palatin ; de plus en plus cachée et enterrée par ces grands palais qui se bâtissaient autour d’elle, elle a eu la bonne fortune de leur survivre. Tout l’étage inférieur en est parfaitement conservé. Autour de l’atrium, auquel on arrive en descendant quelques marches, sont disposées quatre salles que couvrent encore aujourd’hui les plus belles peintures et les plus intactes qu’on ait découvertes à Rome. Le long des corniches courent des arabesques élégantes, des guirlandes de feuilles et de fleurs entrelacées de génies ailés, des paysages fantastiques d’un goût charmant. Sur le milieu des panneaux, on voit cinq grandes fresques qui forment des sujets distincts. Les deux moins importantes par les dimensions et le mérite sont des scènes d’initiation et de magie. Une autre, qui a près de 3 mètres de hauteur, représente une rue de Rome qu’on est censé apercevoir par une fenêtre ouverte. C’était une manière d’agrandir ou d’égayer un appartement, et de donner aux maisons romaines ces jours sur la rue qui leur manquent d’ordinaire. Cet usage existe encore aujourd’hui. « tous ceux qui ont voyagé en Italie, dit M. Perrot, savent quel goût les Italiens ont conservé pour ces trompe-l’œil, pour ces perspectives que leurs décorateurs emploient avec une rare habileté. On entre dans une cour, et, sur le mur du fond, au lieu de la couleur grise et terne du plâtre sale ou de la criarde blancheur du lait de chaux, on aperçoit ou une rue qui fuit, bordée de beaux édifices, ou un jardin, des taillis remplis d’oiseaux qui volent dans la feuillée, des treilles où pendent des raisins mûrs. Le regard, sans être induit en erreur, éprouve pourtant un vif plaisir à cette substitution ; l’esprit se plaît à jouir d’une illusion qui, suivant que la main du peintre a été plus ou moins adroite, peut se prolonger plus ou moins longtemps. Des artistes qui décoraient les maisons des cités campaniennes et de la Rome impériale, jusqu’à ceux qui passent aujourd’hui leurs couleurs à la détrempe sur les murs des maisons de Gênes, de Milan, de Padoue et de Bologne, il y a une tradition ininterrompue, un héritage fidèlement transmis de siècle en siècle à travers toutes les vicissitudes politiques. » La perspective du Palatin reproduit l’aspect d’une rue, avec des maisons où l’on remarque à chaque étage des terrasses découvertes ou des balcons surmontés d’un toit que supportent des colonnes comme une loggia d’aujourd’hui. Des personnes, penchées aux fenêtres, regardent les passans ; une femme vient de sortir de sa porte, et, comme elle est accompagnée d’une jeune fille qui tient à la main un de ces plats où l’on mettait les gâteaux sacrés, on peut supposer qu’elles vont toutes les deux faire