Page:Revue des Deux Mondes - 1877 - tome 22.djvu/283

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

quelques-unes des salles ; d’autres étaient vides, on put les parcourir et, ce qui est plus fâcheux, les dépouiller. Elles conservaient encore leurs stucs, leurs pavés précieux, leurs revêtemens de marbre attachés au mur avec des crampons d’acier. Des peintures charmantes, bien plus délicates que celles de Pompéi, en ornaient les plafonds. D’admirables statues, entre autres l’Apollon Sauroctone du Vatican, y furent trouvées intactes. On eut grand soin de n’y laisser aucun objet d’art dont on espérait tirer quelque profit ; quant aux débris de colonnes et de pavés, on les enleva sans précaution, on en chargea plusieurs charrettes et on les vendit en bloc à un marchand de marbre du Campo vaccino. Le propriétaire, qui était un amateur jaloux aussi bien qu’un traficant habile, tint sa découverte le plus cachée qu’il put. Il ne laissa pas les autres archéologues en approcher, et l’on raconte que le célèbre Piranesi, qui voulut la voir, pénétra la nuit dans le jardin comme un malfaiteur, au risque d’être dévoré par les chiens, et qu’il en dessina les ruines au clair de lune. Nous avons encore le plan qu’il en prit en toute hâte pendant son excursion aventureuse, et, ce qui vaut mieux encore, celui de l’architecte Barberi, qui dirigea les fouilles sous la direction de Rancoureil[1].

Il suffit de jeter les yeux sur ce plan pour reconnaître que le palais d’Auguste, dans ses dispositions générales, ressemblait à toutes les maisons romaines. Il se composait, comme les habitations qu’on découvre à Pompéi, de deux cours intérieures, l’atrium et le péristyle, réunies ensemble par des corridors. Sur l’atrium s’ouvraient les appartemens destinés à recevoir les étrangers ; les pièces réservées à la vie de famille étaient rangées autour du péristyle. Ces salles ou ces chambres sont en grand nombre dans la maison d’Auguste, et de formes très variées, mais en général assez étroites, et aucune ne paraît avoir une étendue suffisante pour servir à des réceptions officielles ; mais Auguste, on le sait, affectait de vivre chez lui comme un citoyen ordinaire : il tenait à passer pour un homme rangé, économe et modéré dans ses goûts ; il couchait sur un lit bas et dur, il ne portait que des vêtemens tissés par sa femme ou sa fille, il ne faisait jamais servir plus de trois plats à sa table, et il a grand soin de nous dire dans une de ses lettres qu’il jeûnait quelquefois le matin « avec plus de scrupule qu’un juif qui fait le sabbat. » Il y a cependant un peu d’hypocrisie dans cette simplicité qui s’étale avec tant de complaisance. Quoiqu’il affectât des airs modestes, sa maison, on vient de le voir, était somptueuse à l’intérieur. Ce prince, qui vantait toujours les anciens usages, n’en a pas moins fait une

  1. Le plan de Barberi a été reproduit dans le second volume des Monumenti antichi di Roma, par Guattani, avec des dessins très curieux des principaux monumens qui furent alors retrouvés au Palatin, et qui ont été dispersés ou détruits.