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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.




30 juin 1877.

Ce qui sortira définitivement de l’acte politique du 16 mai reste encore et plus que jamais un mystère. Ceux qui en ont pris l’initiative ou la responsabilité ou la défense ne le savent pas eux-mêmes ; ceux contre qui l’acte a été conçu et accompli ne le savent pas davantage. Les uns et les autres peuvent se défier dans la mêlée et se promettre d’avance la victoire. Les jactances des partis ne sont pas des raisons. Ce qu’il y a de certain, c’est qu’une situation étrange, aussi obscure que périlleuse, a été créée à l’improviste, c’est que la crise qui a été ouverte si subitement ne peut désormais que s’étendre, s’animer, jusqu’au dénouement inconnu, et en attendant on peut bien dire que depuis quelque temps en France les événemens, comme les morts de la ballade allemande, vont vraiment assez vite.

Reprenons un instant. Il y a six semaines tout au plus, le 15 mai dernier, personne ne peut soupçonner encore ce qui va arriver ; personne du moins n’entrevoit de si prochains orages. Le lendemain, au réveil de Paris et de la France, un ministère a disparu dans une bourrasque intime, sous un motu-proprio présidentiel, dont paraissent surpris ceux-là mêmes qui en profitent. Un cabinet nouveau, représentant une politique absolument contraire, se forme comme s’il avait été préparé d’avance, et le premier acte de ce cabinet, né le 17 mai, est de se donner à lui-même le temps de prendre possession du pouvoir en donnant aux chambres le temps de réfléchir par une prorogation parlementaire d’un mois. Il y a quelques jours, le 16 juin, la prorogation est à peine expirée, le parlement est à peine réuni de nouveau à Versailles, le ministère du 17 mai, avant toute explication, dès la première heure, se hâte de porter au sénat un projet de dissolution de la chambre des députés. Le chef du cabinet, M. le duc de Broglie, se charge d’aller lire au sénat un message de M. le président de la république demandant à