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la fée Urgèle, et que, même en pays musulman, si elle le veut,

Femme toujours est maîtresse au logis.


Beaucoup d’autres remarques fines et humoristiques feront pardonner à l’auteur d’avoir associé les détails infimes aux considérations morales ou économiques de l’ordre le plus élevé. Il n’a fait que suivre l’exemple de Vauban, dont il s’est plu à rappeler lui-même le souvenir. « Il s’informait avec soin, dit Fontenelle, de la valeur des terres, de ce qu’elles rapportaient, de la manière de les cultiver, des facultés des paysans, de ce qui faisait leur nourriture ordinaire, de ce que leur pouvait valoir en un jour le travail de leurs mains : détails méprisables et abjects en apparence, et qui appartiennent cependant au grand art de gouverner. » Au surplus, là comme partout, c’est par la pratique que l’observateur peut apprendre à se servir avec discernement de l’instrument de recherche dont il doit faire usage. Après quelques tâtonnemens il saura distinguer ce qu’il peut négliger comme superflu, sans rien sacrifier de ce qui est nécessaire.

On a reproché aussi à l’auteur des Ouvriers européens de s’être créé un style abstrait et géométrique, hérissé de termes et de formules, toujours fatigant à suivre, parfois même difficile à saisir. Cette critique, que la première édition ne nous semble guère avoir justifiée, sera peut-être encore adressée à la seconde. Nous sommes loin sans doute de cette langue des salons, élégante et superficielle, qui permettait à Diderot de traiter couramment les plus hautes matières sociales sans étonner même ceux qui n’avaient jamais médité que leur livre d’Heures. N’est-ce pas là cependant une de ces obligations auxquelles il faut souscrire ? Quand on abandonné les généralisations aventureuses pour le terre à terre, de l’expérience, il est clair qu’il faut proportionner l’exactitude du langage à la précision de la pensée. Les sciences, à mesure qu’elles se constituent, s’accommodent mal du précepte de Buffon, et ne peuvent plus avoir attention à ne nommer les choses que par les termes les plus généraux. Il leur faut adopter une nomenclature et un vocabulaire. Plus elle se formulera nettement, plus la science des sociétés devra s’astreindre, sans cesser d’être littéraire, à n’user, comme les sciences physiques, que de termes rigoureusement définis.

Enfin on a souvent pensé qu’au lieu de consacrer beaucoup de temps et de peine à établir savamment une monographie de famille, il était plus urgent d’attaquer de front les questions brûlantes et de prendre pour ainsi dire corps à corps les plus graves problèmes, Quoiqu’un semblable, procédé paraisse devoir mener plus rapidement à la connaissance des lois générales, l’histoire du développement des sciences affirme une conclusion contraire. Longtemps la