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Post ignem æthereâ domo
Subductum, Macies et nova Febrium
Terris incubuit cohors ;
Semotique priùs tarda nécessitas
Leti corripuit gradum.


Dans notre patrie plus que partout ailleurs on parait avoir perdu le secret de l’ordre que conservent les peuples en améliorant progressivement leur constitution sociale, c’est-à-dire un certain accord des idées touchant la religion, la famille, la propriété, le travail et l’organisation de l’état. Le progrès des sciences physiques, bien que préparé par une longue application de la méthode expérimentale, a dû son essor rapide à quelques découvertes dont le passé n’offrait pas d’exemples. Par une fausse assimilation entre les rapports matériels des choses et les relations morales des hommes, on a été porté à croire que l’état social pourrait aussi s’améliorer subitement par quelques inventions qui rompraient avec les traditions anciennes. Bien loin de considérer comme recommandables les institutions qui ont reçu la consécration du temps, on en vint à les tenir pour d’autant plus condamnables qu’elles avaient plus duré. Sous l’empire de ces idées, tout est remis en question, et les plus graves problèmes sont agités au milieu d’une confusion inextricable. Suivant M. Karl Marx, l’accumulation des capitaux dans un petit nombre de mains rendra inévitable cette liquidation sociale que tant d’appétits convoitent et qui mettrait en commun tous les instrumens de production. Selon M. Herbert Spencer, la propriété, le capital, ne sont que des catégories historiques, c’est-à-dire des formes transitoires qu’emportera l’évolution fatale du progrès. Les uns espèrent, malgré les expériences manquées de 1848 et tant d’insuccès plus récens, que la coopération permettra d’échapper au joug du patron et de s’affranchir de l’oppression du capital. D’autres, à la suite des Katheder-socialisten, cherchent volontiers dans une intervention de l’état un moyen terme entre.la doctrine du laisser-faire et les tendances les plus avancées. Ailleurs moralistes et positivistes se rencontrent pour soutenir, par des argumens spiritualistes ou utilitaires, que l’influence bienfaisante de la propriété est moins assurée sous la contrainte des lois successorales édictées par la terreur que sous le régime de liberté maintenu en Amérique et en Angleterre. Ceux qui ne se paient point de mots se demandent si les corporations d’arts et métiers, abrogées il y a un siècle, doivent être rétablies sous la forme que réclament aujourd’hui les ouvriers ; si, malgré de loyales intentions, les chambres syndicales, au lieu d’être des freins régulateurs, ne deviendront pas fatalement des machines de guerre sous la main des politiciens.

En face d’opinions si contradictoires, peut-on admettre encore