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ne conviendrait-il pas d’examiner d’un peu plus près l’autre face de la médaille ?

Par exemple, nous ne nierons pas que le Koran cherche à adoucir l’esclavage ; mais pourquoi n’a-t-on jamais vu surgir chez un peuple musulman la moindre opposition au principe même de cette odieuse institution ? Est-ce seulement par hasard que ce sont des musulmans qui perpétuent le trafic des noirs et qui défient encore à cette heure toutes les mesures prises par les nations civilisées pour supprimer la traite ? Nous voulons bien que la femme musulmane soit dans une condition meilleure que sa sœur des nations polythéistes et idolâtres. Cependant la polygamie, avec tout son attirail de claustration tyrannique, est légitimée par les enseignemens comme par l’exemple du prophète, et les marchés de chair féminine n’ont pas cessé de s’étaler dans tout l’Orient musulman. Mahomet a pu améliorer le sort de la femme, mais il faut avouer qu’il a sanctionné des principes qui ne permettent pas de pousser bien loin cette amélioration.

Il est vrai que l’islam, une fois sa suprématie fondée et reconnue, laisse le droit de vivre sous lui aux sectateurs des autres religions. Il n’en reste pas moins que le musulman se croit obligé, partout où il le peut, d’imposer l’épée à la main sa domination de droit divin à tous ceux qui ne veulent pas reconnaître avec lui la mission divine de Mahomet. Voilà ce qui le rend toujours dangereux et ce qui justifie nos défiances séculaires.

Le caractère lui-même du prophète est certainement plus beau, plus estimable, qu’on ne le croyait du temps où on le rangeait sans autre forme de procès parmi les imposteurs de première catégorie. Cependant on ne peut nier que plus d’une faiblesse, plus d’une tache, plus d’un crime ne déparent sa vie, et si le musulman n’est pas strictement forcé d’approuver ni d’imiter en tout le fondateur de sa religion, il est dans la nature des choses qu’il ne se sente jamais bien coupable quand il peut dire qu’il a pris son prophète pour modèle.

Tout compte fait, rien ne montre plus évidemment que l’islamisme combien nos jugemens en matière religieuse doivent rester dans le relatif, ne jamais prétendre à l’absolu. Comparé au polythéisme immoral, abrutissant, du sein duquel il surgit, l’islamisme est grand et saint, un levain de régénération religieuse et morale ; mais il y a bien des raisons de croire qu’il est incapable de conduire les populations qu’il inspire plus haut que l’état relativement assez bas où il les a amenées et maintenues. On nous parle de la civilisation brillante dont Bagdad et Cordoue furent un jour les foyers. On nous demande si l’Espagne chrétienne a dépassé en culture les splendeurs de la période mauresque. A merveille, mais Bagdad