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jours. Le Koran est beaucoup plus un ; bien que réuni par des intermédiaires, on peut le considérer comme l’œuvre personnelle de Mahomet. Les enseignemens sentencieux du prophète avaient été recueillis par ses plus fervens disciples, tantôt sur des os de mouton ou des coquilles d’huître, tantôt sur des tablettes ou des pierres. Le tout formait un mélange confus, sans aucune suite, ni chronologique, ni rationnelle. Ce fut Abou-Bekr qui, après la mort de Mahomet, les fit ranger dans un ordre régulier ; mais cet ordre ne contribua pas à rendre la collection plus intéressante : il consista simplement dans la mise en rang des Suras ou chapitres d’après leur longueur respective. Les plus longs viennent en tête, les plus courts en queue. Des variantes, comme on peut s’y attendre, se glissèrent dans les différentes copies. Alors une commission fut constituée par le calife Othman pour réviser le texte, « afin, est-il dit, de prévenir les différences comme celles qu’on peut voir dans les livres des juifs et des chrétiens, » et, l’œuvre de la commission achevée, l’édition sortie de son travail fut déclarée seule autorisée, toutes les autres furent saisies et brûlées.

Cependant, tel qu’il nous est parvenu, le Koran peut prétendre à une authenticité au moins aussi grande que celle qu’on peut réclamer en faveur des livres sacrés des chrétiens. C’est bien l’esprit, la doctrine, les variations même de Mahomet, qui plus d’une fois corrigea ou amenda ses premiers enseignemens. On peut dire, sans craindre de démenti compétent, que le Koran tient plus étroitement à Mahomet que le Nouveau-Testament dans son ensemble à Jésus-Christ. De savans orientalistes se sont appliqués de nos jours à reconstituer d’après les indices épars dans le texte l’ordre chronologique auquel les premiers collecteurs des Suras avaient attaché si peu d’importance. Sur un assez grand nombre, ce travail peut passer pour avoir réussi, et il en résulte qu’en règle générale ce sont les Suras les plus courts qui sont les plus anciens. C’est à la condition d’un commentaire historique suivant de près et illustrant chaque Sura l’un après l’autre que notre goût occidental pourrait trouver du charme à la lecture du Koran. Tel qu’il est, il distille l’ennui, et il faut admirer la patience avec laquelle M. Bosworth Smith l’a lu et relu, et dans l’ordre traditionnel et dans tordre chronologique. Son jugement final est en somme très favorable à la Bible musulmane. Il relève quelques fragmens qui ne le cèdent ni en majesté, ni en vigueur aux plus beaux passages des livres de Job ou d’Esaïe. Citons seulement la vision du dernier jour, du jour du jugement :


« Quand le soleil sera replié sur lui-même, — quand les étoiles tomberont du ciel, — quand les montagnes seront en mouvement, — quand les chamelles et leurs petits seront négligés, — quand les bêtes