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UN
GEOMETRE PHILOSOPHE

I. Essai sur les fondemens de nos connaissances et sur les caractères de la critique philosophique, par M. Cournot ; Paris 1851. — II. Traité de l’enchaînement des idées fondamentales dans les sciences et dans l’histoire, par le même ; Paris 1864. — III. Exposition de la théorie des chances et des probabilités, par le même ; Paris 1843. — IV. Considérations sur la marche des idées et des événemens dans les temps modernes, par le même ; Paris 1872. — V. Matérialisme, vitalisme, rationalisme, par le même ; Paris 1875.

M. Cournot eût été en droit de s’appliquer à lui-même les mots qu’en 1872 il plaçait au frontispice de son avant-dernier ouvrage : Fala viam invenient. N’a-t-il pas été un vivant exemple de la sûreté avec laquelle une destinée, si lente qu’elle soit à se dessiner, finit par s’accomplir, quand les facteurs en sont donnés ? Pendant plus de quarante ans, il a mis au service de la philosophie une science profonde de géomètre, des connaissances encyclopédiques, une pénétration peu commune d’analyse, d’éminentes qualités d’invention et une rare indépendance de pensée. Pourtant, avec ce fonds, qui eût amplement suffi à la fortune de plusieurs, il n’avait guère, jusqu’en ces derniers temps, été connu que des philosophes de profession, et encore, dans ce public spécial et restreint, peut-être avait-il rencontré parfois une tiédeur imméritée. Si de bons juges, entre autres MM. Ravaisson, Janet, Vacherot, Renouvier, Taine, l’ont estimé à sa haute valeur, beaucoup l’ont traité honorablement sans doute, par courtoisie de philosophes à savant, mais sans l’avoir assez lu et assez pratiqué ; quelques-uns même, parce qu’il était venu de la science à la philosophie sans apporter à celle-ci les certitudes de celle-là, l’ont tenu pour un allié suspect ; enfin il a passé pour transfuge auprès de ceux pour qui une philosophie