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tenue de frapper du même droit le sucre venant de Queensland, tout comme si Queensland, au lieu d’être la voisine de la Nouvelle-Galles du sud, en était éloignée d’une distance égale à celle qui la sépare de la Jamaïque ou de toute autre colonie anglaise. De nombreuses plaintes se sont élevées contre cet état de choses, plaintes auxquelles l’Angleterre a répondu qu’il était au pouvoir des colonies de le faire cesser en acceptant libres de droits les marchandises étrangères. La question a été portée devant les parlemens coloniaux, et après beaucoup de discussions, on a pu s’apercevoir que le véritable obstacle à une solution ne viendrait pas de l’Angleterre, qui se déclarait disposée à accepter une union douanière entre les diverses colonies, bien qu’il fût évident qu’une telle union serait économiquement une grave atteinte portée au principe du free trade, et politiquement un grand pas fait par les colonies vers l’indépendance absolue, laquelle ne peut s’établir que par leur rapprochement, de même que leur indépendance relative actuelle n’a pu être acquise que par leur division. L’obstacle vient des différentes industries coloniales qui, craignant l’abaissement des prix pour leurs produits, s’alarment lorsqu’elles se croient menacées de la concurrence des produits voisins. Tout Australien est bien partisan du libre commerce intérieur pour ce qu’il achète et consomme, mais il est en même temps protectioniste déclaré pour ce qu’il vend et produit, en sorte que les droits de frontières persistent malgré les discussions soulevées à ce sujet et les tentatives de compromis qui ont été faites, et que l’Angleterre trouve encore dans cette persistance un nouveau motif de sécurité et de durée pour sa domination.

Les colonies australiennes sont donc pour longtemps dans l’état mixte où elles sont entrées avec l’établissement de leurs gouvernemens représentatifs, où se combinent en proportions assez égales les droits anciens de l’autorité anglaise et les droits nouveaux de ses sujets. Tous ces gouvernemens faits à l’image du gouvernement anglais se composent d’un gouverneur qui représente la reine, d’un conseil législatif qui représente la chambre haute, et d’une assemblée législative, chambre des communes au petit pied. Le gouverneur est investi de pouvoirs étendus qui sont les mêmes pour toutes les colonies australiennes. Il nomme son cabinet, le préside, prend part aux délibérations, a mission de veiller à ce qu’aucun bill contraire à la loi anglaise sur la même matière ne passe dans les chambres, oppose son veto à ceux qui lui semblent porter ce caractère, réserve pour la sanction du gouvernement britannique ceux qui lui semblent douteux, et en cas de mésintelligence entre son cabinet et les chambres accorde ou refuse à son gré à ses ministres