Page:Revue des Deux Mondes - 1877 - tome 21.djvu/955

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

les autres sont attachés au régime parlementaire : la plupart l’auraient préféré peut-être avec la monarchie constitutionnelle, ils entendent le garder avec la république. Tous ont des opinions libérales, des instincts sérieux d’ordre et de conservation. Que faut-il de plus pour grouper des partis sous un même drapeau ? — Cela n’aurait servi à rien dans ces derniers temps, ira-t-on ; le centre droit et le centre gauche réunis et marchant ensemble n’auraient été (qu’une minorité ! C’est là justement le malheur que des partis sérieux ne voient que le succès immédiat et ne sachent pas se résoudre à être momentanément une minorité ! Supposez que dans la chambre il y eût depuis un an un parti modéré et modérateur sérieusement organisé, agissant avec suite, opposant une attitude nette et décidée à toutes les entreprises extrêmes, sans s’inquiéter de toutes les combinaisons des stratégistes de couloirs : ce parti, rien que par son existence, eût probablement empêché tout ce qui est arrivé, et il suffirait aujourd’hui à dénouer une crise devenue peut-être inextricable. On ne sait pas ce que peut à un moment donné dans la marche des affaires publiques un noyau d’hommes obstinés à faire entendre le langage de la raison, sachant résolument se conformer à un plan de conduite et se séparer de ceux qui ne craignent pas de jouer les destinées de leur pays dans des querelles passionnées et stériles. C’est impossible, ajoutera-t-on, cette union des centres n’est qu’une chimère, c’est la pierre philosophale de la politique ; cela ne s’est jamais vu, cela n’a jamais réussi, bien qu’on l’ait souvent essayé ! Qu’est-ce donc qui a réussi de notre temps et sous nos yeux ? Est-ce la droite légitimiste ou la droite bonapartiste ou même la coalition imprévue de ces deux droites ? La politique qui a reçu le nom de politique de « l’ordre moral » a-t-elle obtenu de si merveilleux succès, et M. le duc de Broglie, s’il tente des élections, est-il bien certain de triompher avec le drapeau qu’il vient de relever encore une fois ? Le radicalisme, de son côté, a-t-il été si heureux et si habile dans les campagnes qu’il a organisées contre des ministères qu’il aurait dû soutenir, et dont il a préparé la chute ? Quand même il réussirait aux élections, est-il bien certain qu’il servirait efficacement la république ? Il faut pourtant dire la vérité telle qu’elle est : M. Gambetta peut être un orateur habile, adresser des harangues à la jeunesse des écoles, prononcer des discours à Amiens ou à Abbeville ; il peut se faire une position d’apparat comme chef à peu près reconnu des gauches, et cependant il est clair comme la lumière que, s’il venait un moment prochain où M. Gambetta disposerait de la direction des affaires publiques par une majorité imbue de son esprit, la république aurait probablement ses jours comptés, parce qu’à tort ou à raison la France n’en est pas à se croire suffisamment garantie dans ses intérêts et suffisamment représentée dans le monde par M. Gambetta ! Est-ce que tous les partis opposés qui se disputent l’em-