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LE LABOUREUR.


C’est par un chaud matin de printemps. La nature
Joyeuse a revêtu son manteau de verdure.
Tout resplendit. Au loin, à l’horizon changeant,
Le chemin se déroule en un long fil d’argent.
Quelles gaîtés avril cache dans la campagne !
Sur un buisson en fleurs, la fauvette accompagne
De sa chanson le bruit frais du ruisseau qui fuit ;
La goutte de rosée au grand soleil reluit,
Et c’est comme une perle à la pointe des branches ;
Plus loin, dans un filet tressé de mailles blanches,
Que les fils de la Vierge étendent sous le bois,
Se débat follement une mouche aux abois,
Pendant qu’un lièvre roux, très épouvanté, rôde,
L’oreille droite, au fond du taillis d’émeraude.

Pourtant le laboureur trace son dur sillon.
Que lui fait le soleil et son joyeux rayon ?
Que lui fait la nature, et son cadre splendide ?
Il prépare, tirant son cheval par la bride,
Le blé noir que cent fois lui rendra la moisson.
Ah ! certe, il aimerait écouter la chanson
De la fauvette, ou bien la douce jaserie
Du ruisseau ; son regarda travers la prairie