Page:Revue des Deux Mondes - 1877 - tome 21.djvu/860

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

grâce et le style le disputent à la force et à l’originalité, et où M. Mercié s’est montré, comme par le passé, un grand artiste.

La composition du groupe de M. Blanchard, Hercule et Omphale, est trop théâtrale, la scène « trop amenée, » comme on dit en argot de coulisses. Si le héros porte-ciel s’est étendu à terre, c’est tout exprès pour permettre à Omphale de le fouler aux pieds et pour former ainsi un groupe statuaire. La figure d’Omphale, qui, le pied droit posé sur la poitrine d’Hercule, relève de ses deux mains au-dessus de sa tête la peau de lion dont elle va envelopper son beau corps nu, est d’un galbe souple et onduleux. Il est regrettable que l’attache des pieds soit si lourde et les pieds si plats. La tête a de la grâce ; mais celle d’Hercule est de la dernière banalité. M. Blanchard n’aurait-il pu choisir pour Hercule une couche un peu moins dure qu’un lit de rochers aigus ? Si le groupe était posé sur quelque tertre ou sur quelque coussin, il gagnerait en naturel et en vraisemblance. Il faut croire que c’était dans son palais ou dans ses jardins, et non sur la cime du Tmolus, que la reine de Lydie folâtrait ainsi avec Hercule.

La Cassandre à l’autel de Minerve, de M. Aimé Millet, est conçue dans un sentiment plus vrai et dans une attitude plus naturelle. La prêtresse d’Apollon, poursuivie par Achille durant le sac de Troie, s’est réfugiée près de l’autel de Minerve, haut monolithe quadrangulaire surmonté d’une statuette de la déesse. Presque nue, car ses vêtemens sont tombés dans la lutte, elle embrasse l’autel, vue dans le sens de la statue, la figure est presque de profil, le haut du corps appuyé contre le piédestal sacré, la hanche en avant et la tête renversée, implorant la déesse. L’affolement de la terreur et du désespoir est exprimé avec énergie. Quelles que soient la cambrure des reins et la flexion du torse, la silhouette garde dans ses lignes l’eurythmie statuaire. L’exécution un peu dure, sans moelleux et sans souplesse, et le marbre veiné de gris dont s’est servi le sculpteur, n’accusent pas assez la vie. Mais la Cassandre n’en est pas moins une œuvre puissante et belle.

Nous avions remarqué le Sarpédon de M. Henri Peinte avant que le prix du Salon, qui a été décerné à cette statue, ne vînt lui donner son heure de célébrité. Le héros lycien est nu, debout, occupé à bander son arc a fatal aux Achéens. » Cette svelte silhouette a de l’élégance, et le modelé est bien étudié sans cependant être très poussé. Il y a de l’hésitation dans le choix des formes, des tâtonnemens dans l’exécution. Cette figure a quelque chose d’androgyne ; si on la regarde de dos, on ne sait si c’est un éphèbe ou une amazone. Cet effet ne provient pas seulement de la coiffure, où les cheveux très longs sont noués comme ceux des femmes au sommet de