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selon le modèle des statues et de peindre les accessoires d’après les planches des dictionnaires d’archéologie ; il faut encore savoir imprimer aux figures le caractère antique. C’est ce que n’a pas fait M. Hillemacher. C’est au contraire ce que fait si bien M. Lecomte du Nouy. Malheureusement pour nous et pour lui, M. Lecomte du Nouy a délaissé cette année la Grèce antique pour l’Égypte contemporaine, dont il a peint un des aspects dans la Porte du Sérail au Caire. Cette désertion a nui à son talent. On dit avec raison qu’il n’est pas donné à tout le monde d’aller à Corinthe ; pourquoi donc ceux qui y ont victorieusement élu domicile veulent-ils toujours quitter Corinthe ?

M. Edouard de Beaumont a eu l’idée de peindre une famille de sirènes, comme Eugène Fromentin avait eu celle de peindre une famille de centaures. C’est un joli tableau d’un lumineux coloris, aussi agréable que faux. L’écume, les carnations, le ciel, les rochers, les nuages, tout a le ton de la nacre qui s’irise au soleil de reflets roses et bleus. Sans quitter les horizons marins, regardons la nymphe des Récifs de M. Jean Aubert, dont les vagues bercent mollement la voluptueuse nudité. — Charmante figure du plus moelleux modelé et de la plus harmonieuse couleur. La chair a des gris satinés très fins et très lumineux.

Leys a fait un moyen âge où toutes les figures émaciées, anguleuses et compassées se meuvent et agissent avec une raideur hiératique. M. Adrien Moreau a imaginé un autre moyen âge. Tout y remue, tout y sourit, tout s’y épanouit ; le galbe rond remplace le galbe effilé, la face souriante succède au visage refrogné. M. Adrien Moreau gagne ainsi en vie ce qu’il perd en caractère. Il a cependant le tort de ne pas assez varier ses têtes. Il a un type de femme qu’il reproduit sans cesse ; dans les Tsiganes, ce type se trouve répété quatre fois. Au reste, on doit louer dans ce tableau le pittoresque décor, la composition ingénieuse, la bonne couleur assourdie et le mouvement souple et vivant de la danseuse. M. Firmin Girard a, lui aussi, mis une sourdine de son pinceau. Le Montreur d’ours à Aurillac papillote moins que ses précédens tableaux ; mais il semble que quand M. Firmin Girard n’emploie plus les tons luisans de l’émail, des pierres précieuses et du dos des scarabées, il reste un bien chétif coloriste. L’éclairage de son tableau est mal compris. Le groupe principal se perd dans les demi-teintes, et ce sont les groupes de droite et de gauche qui ont toute la lumière. Les personnages ont du naturel et sont pittoresquement posés, et, quoiqu’un peu molle, la touche est parfois spirituelle.

On connaît le sujet du tableau de M. Vibert, le Nouveau Commis. Un grand benêt à cheveux roux présente ses papiers au maître du