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dit trop de bien de l’étude bizarre intitulée Mes Parens, du même artiste. Une couleur terne, un modelé sans accent, une prétentieuse recherche de naïveté dans les attitudes, ne méritent pas tant d’admiration. Cette pochade d’atelier a tout l’air d’une gageure. Dans un portrait de femme, vêtue de bleu et se détachant sur un fond bleu, M. Parrot donne une réédition de Blue-Boy. C’est la symphonie en bleu très audacieusement modulée en ses plus vibrantes et ses plus fines harmonies.

Une vigoureuse coloriste, c’est Mme Madeleine Lemaire. La figure qui a pour titre Manon est le plus brillant ramage de couleurs vives, d’une densité éclatante, juxtaposées avec une hardiesse et une franchise toutes viriles. On chercherait en vain la main d’une femme dans cette peinture robuste. Cette fille haute en couleur, à l’allure décidée, aux yeux hardis, n’est pas la délicate Manon Lescaut du roman qui séduisit Des Grieux par « la douceur de ses regards et son air charmant de naïveté ; » c’est la Manon a délurée » de la chanson des gardes-françaises, moitié grisette et moitié cantinière. Le portrait de Mme A… est peint dans une gamme plus adoucie. C’est une Anglaise aux carnations diaphanes et rosées, vêtue d’une robe blanche. Il y a beaucoup d’éclat dans les blancs et beaucoup de transparence dans les chairs. Chaplin, dont Mme Lemaire est l’élève, pourrait contre-signer ce beau portrait. Mlle C. de Mendeville, une autre élève de Chaplin, débute par un portrait de femme. Le modelé manque de dessous, et la figure est faiblement dessinée, mais la couleur chaude et vigoureuse révèle aussi une mâle coloriste.

Le portrait de M. Faure en costume d’Hamlet, figure plaquée, sans proportion, sans relief, sans air, sans vie, et qui n’est pas d’aplomb sur ses jambes, démontre définitivement l’inanité du prétendu tempérament de M. Manet et l’insuffisance de ses études premières. Ce portrait ridicule clôt la nombreuse série des portraits à sensation du Salon de 1877. Mais il faut encore citer, soit à cause du nom du peintre, soit à cause de la valeur de l’œuvre, un certain nombre de portraits : les deux beaux portraits d’hommes de M. Henri Lehmann, qui est toujours le maître qu’on sait ; celui de Mlle M… par M. Eugène Faure, d’un grand charme d’impression, mais si pâle et si atone que la figure va rentrer dans la toile ; le portrait de M. Mollart par M. Feyen-Perrin, dont la physionomie manque un peu d’accent ; le portrait de M. Dugué de la Fauconnerie, par M. Giacomotti, bien posé et bien vivant, mais trop poussé au rouge ; un vigoureux portrait de femme, par M. Tony Robert-Fleury ; le général d’Aurelle de Paladines, par Mlle Nelly Jacquemart, peintre qui nous parait en pleine décadence ; un portrait, par