Page:Revue des Deux Mondes - 1877 - tome 21.djvu/84

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

la monarchie était considérée comme irréparablement perdue. Durant cette triste journée du 29, la duchesse d’Angoulême, que les ordonnances avaient surprise à Vichy, traversait la Bourgogne, revenant en toute hâte auprès du roi. Cette femme héroïque, qui, depuis l’entrée de M. de Polignac aux affaires, prévoyait la révolution, put constater durant son voyage, à l’attitude hostile des populations, que ses pressentimens ne l’avaient pas trompée. Quand, huit jours après, elle rejoignit à Rambouillet la cour fugitive, tout était consommé, et la famille royale reprenait la route de l’exil. Après des péripéties qui appartiennent à l’histoire de la révolution de 1830, le duc de Mortemart s’étant présenté, au nom du roi, au gouvernement provisoire installé à l’Hôtel de Ville, avait reçu cette terrible réponse : — Il est trop tard! — L’émeute était terminée, mais la révolution accomplie et la dynastie des Bourbons déchue, sous l’effort de haines, de ressentimens et de préjugés accumulés depuis quinze ans, et dont la folle imprévoyance de Charles X et de ses ministres avait en trois jours assuré le triomphe.

La matinée du 30 juillet s’écoula au palais de Saint-Cloud toute pleine d’une cruelle angoisse. A chaque instant, des rumeurs vagues et contradictoires, venues de Paris, dénonçaient la marche progressive de la révolution, sans apporter aucun renseignement précis sur les décisions du gouvernement provisoire. M. de Polignac et ses collègues, retirés dans leur appartement, prêts à partir, s’ils en recevaient l’ordre, se tenaient à l’écart, afin de ne pas entraver par leur présence les négociations qui pourraient s’engager entre le pouvoir royal et le pouvoir insurrectionnel. Le duc d’Angoulême avait pris le commandement de la petite armée de Charles X, ayant sous ses ordres le maréchal Marmont, qu’il avait cruellement blessé par une scène d’une violence inouïe, en l’accusant presque de trahison. Le roi allait et venait, indécis, perplexe, écoutant tous les conseils, n’en suivant aucun. La désertion, après avoir opéré ses ravages parmi les régimens de ligne, engagés durant les jours précédens contre l’émeute, se propageait maintenant jusque parmi les troupes de la garde, disséminées entre Sèvres et Saint-Cloud, abandonnées, sans ordre et sans discipline, à l’oisiveté, dans le désarroi d’une douloureuse catastrophe, dans le découragement des défaites de la veille et de l’inconnu du lendemain. On attendait en vain les députations pacifiques promises par MM. de Sémonville et d’Argout, ainsi que des nouvelles du duc de Mortemart, parti dans la nuit, afin de se mettre en rapport avec le gouvernement provisoire. Des deux négociateurs de la chambre des pairs, on ne savait rien. M. de Mortemart ne donnait pas signe de vie. On ignorait à la cour les péripéties de son voyage, les entraves apportées à sa mission, et Charles X se plaisait à espérer, au mépris de toute vraisemblance,