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légèrement inclinée de côté, il appuie l’avant-bras droit sur la table et tient ses deux mains entre-croisées à hauteur de ceinture ; la jambe gauche ramenée sur la droite s’avance en raccourci. L’auteur de la Dame aux Camellias n’est pas courbé sur l’ouvrage. Loin de là, il y tourne presque le dos ; mais il ne travaille pas moins pour cela, car il regarde et il pense. La tête, d’une ressemblance parfaite dans les traits, et dans l’expression, sinon dans la carnation, trop poussée au rose, est traitée magistralement, par touches aussi fermes et aussi larges que dans un portrait de grandeur naturelle. Les mains sont aussi d’une facture mâle et accomplie. Peut-être sont-elles un peu grandes, rappelant ainsi certaines épreuves photographiques où les mains, en saillie en avant du corps, ont été grossies par l’objectif. La tonalité générale est trop rose, surtout dans les ombres. La localité n’est pas toujours juste. Ainsi on ne sait si la table et la chaise sont en chêne, en acajou ou en quelque bois inconnu.

M. Alexandre Dumas est à sa table de travail ; voici M. Emile Augier dans un caractère plus intime encore. M. Edouard Dubufe a peint l’auteur de l’Aventurière dans la robe de chambre de Molière. C’est un portrait bien peint et bien éclairé. Mais M. Emile Augier a la tête mâle et accentuée d’un bronze de la renaissance ; M. Dubufe n’en a pas précisé avec assez d’énergie les lignes statuaires.

Le portrait en buste de Mme M…, par M. Alexandre Cabanel, est une œuvre achevée. Le corsage blanc, bordé de fourrure, s’enlève sur la teinte plate du fond, d’une pourpre assombrie. Le visage, encadré d’une chevelure très noire, est d’une rare distinction et d’un profond sentiment. Ce dessin si précis, ce modelé si ferme et si délicat, rappellent la manière des maîtres florentins. Pas d’éclat de couleur, pas de relief vigoureux, et cependant à côté du portrait de Mme M… les autres portraits exposés dans cette salle disparaissent. Les têtes surtout ne se tiennent plus ; elles sont atones, dénuées de vie, en carton-pierre ou en baudruche.

C’est dans la lumière diffuse du grand air que M. Paul Baudry a très hardiment posé son portrait du général C… de M… La figure fièrement campée, et la tête, d’une vive expression de « crânerie » militaire, se modèlent par larges plans, dans un accord de tons clairs à peine rompus par d’imperceptibles demi-teintes. M. Baudry a traité ce portrait d’une façon un peu décorative, en ces tonalités d’aquarelle très vigoureuses qu’il a adoptées pour quelques-unes de ses peintures du nouvel Opéra. Vêtu de la petite tenue d’officier-général, képi, pelisse soutachée de noir avec étoiles d’argent aux manches, culottes rouges et grandes bottes, le général est descendu