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mais son esprit sérieux répugnait à des moyens peu avouables. Il s’inquiétait des déchiremens de la chrétienté, et convoqua la diète de Worms pour tenter, dans une sorte de concile princier, de soutenir L’unité dogmatique chancelante. Cette conférence était en même temps une haute cour de justice impériale et devait trancher notamment l’affaire du duché de Gueldre. On comprend que le duc de Clèves n’y apporta pas les mêmes préoccupations que les docteurs comme Mélanchthon et Jean Eckius, appelés par les princes. Il montrait aux docteurs des lettres mystiques de la reine Marguerite, mais y travaillait surtout à ameuter les princes contre l’empereur. Charles-Quint ordonna à la diète de Worms de se dissoudre ; il convoqua une nouvelle diète à Ratisbonne pour le printemps suivant. Il envoya au duc de Clèves une citation où il lui intimait l’ordre de comparaître devant sa personne avant quarante jours, pour lui rendre compte des « inexcusables moyens » par lesquels il occupait et détenait contre les constitutions, droits et lois du saint-empire, le duché de Gueldre. Le duc de Clèves, dut prendre un parti, il laissa croire qu’il irait à la diète de Ratisbonne et y comparaîtrait en accusé ; puis il convoqua inopinément la chambre des états de Dusseldorf, et l’informa qu’il avait signé des conventions matrimoniales avec Jeanne d’Albret et sous l’agrément de François Ier. Il prit la poste immédiatement après, déguisé, avec trois amis seulement, et se rendit en France, il y arriva, sans être arrêté par les officiers de l’empire, le 20 avril. 1541. Le secret du mariage était désormais dévoilé. François Ier et Marguerite de Navarre firent bon accueil au prince Guillaume ; mais il était, et à juste titre, inquiet des dispositions du roi de Navarre.

Henri d’Albret était en Béarn ; il était parti mécontent de la cour de France et ne cherchait plus qu’à éloigner le mariage avec le duc de Clèves. Il avait trouvé un appui précieux dans les états de Béarn : ceux-ci avaient protesté contre l’alliance avec le prince allemand. Cette curieuse remontrance, conservée aux archives de Pau, est publiée dans les pièces justificatives de l’ouvrage de M. de Ruble. Les états remercient le roi de les consulter, conformément aux anciennes coutumes, sur le mariage de la princesse destinée à porter la couronne de Béarn : « Ledit duc de Clèves est prince de grands biens, ayant en puissance beaucoup d’hommes et sujets de service pour guerre quand besoin serayt, ayant aussi parens et alliés les principaux et les plus grands princes d’Allemagne et électeurs de l’empire. » Les états vont jusqu’à dire qu’au cas de la mort de l’empereur le duc de Clèves, avec l’alliance du roi, aurait chance d’arriver à l’empire ; mais ils prévoient que, plus le duc de Clèves serait grand en Allemagne, moins le Béarn aurait chance de voir et conserver sa princesse ; les états n’auraient que peu de secours à