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LA MERE DE HENRI IV

Le Mariage de Jeanne d’Albret, par M. le baron Alphonse de Ruble. Paris 1877.


I

Jeanne d’Albret n’eût pas été une femme des plus remarquables, elle mériterait encore d’exciter la curiosité historique comme la mère d’Henri IV. On cherche aujourd’hui chez tous les grands hommes les traits de leurs ascendans : on ne les explique pas de cette façon, car le grand homme et l’homme lui-même restent toujours chose inexplicable ; du moins on jette des jours sur les côtés mystérieux de l’âme humaine, on illumine ce qui est ténébreux, on met des traits d’union entre ce qui semblait incompatible. Le caractère d’Henri IV notamment offre des bizarreries, des contrastes inouïs. Sa figure est si familière que ces contrastes, ont cessé de nous choquer ; mais, si on voulait l’étudier en quelque sorte comme une figure nouvelle, combien n’aurait-on pas lieu d’être surpris en voyant une légèreté presque coupable avec tant de sérieux et parfois même tant de solennité, une complaisante faiblesse avec un courage si sain, si robuste, si héroïque, un si singulier mélange d’ingratitude et de fidélité, de hauteur et de trivialité, de ruse et de loyauté ! Sans doute il vivait dans des temps difficiles, et plus d’une fois dans sa jeunesse son orgueil fut contraint de couver sous la cendre des humiliations les plus douloureuses : la complexité des temps se reflète dans les caractères, et les bizarreries de la fortune font les hommes bizarres. Pourtant il est permis de chercher aussi le secret d’Henri IV dans l’histoire de ses ancêtres. S’il y avait en lui beaucoup d’Henri d’Albret, il y avait aussi, heureusement pour