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leur religion, qui semblait être le paganisme, faisaient d’eux des objets de méfiance et de haine, quoiqu’on eût besoin de leurs services. Ils étaient tués sans pitié. La grande industrie moderne les a presque bannis des pays les plus civilisés ; mais ils parcourent encore l’Orient, le midi et le nord de l’Europe, sans compter l’Asie tout entière : ils Viennent, comme les hommes des fonderies de bronze, s’installer pour quelques jours dans les champs autour des centres habités. Là ils portent, comme on sait, des noms divers suivant le pays : tsiganes en Hongrie, zingari en Italie, bohémiens en France, gyphtes ou égyptiens en Grèce, gypsies en Angleterre, gitanos en Espagne. Ils ne sont pas en concurrence les uns avec les autres ; ils forment une corporation dépendant d’un chef unique. C’est de ce chef, résidant à Pesth, qu’ils reçoivent le métal, et ce chef le reçoit lui-même d’un autre qui réside à Témesvar ; mais d’où celui de Témesvar le reçoit-il ?

Il est probable que le rapprochement des faits de l’âge du bronze et des mœurs des étameurs modernes aidera les savans à découvrir les chemins suivis par l’ancienne métallurgie. Les voies du commerce ne se modifient pas profondément, là où les grandes inventions de nos jours n’ont pas encore pénétré. Les procédés se perpétuent ; en Orient les mêmes castes fournissent toujours des hommes aux mêmes métiers. Or il est démontré que les tsiganes sont originaires de l’Inde ; nous savons d’un autre côté que les castes n’étaient pas encore constituées au temps du Véda, mais qu’il y avait déjà des corps de métiers parmi lesquels celui du fondeur occupait certainement une place importante ; mais ces fondeurs étaient-ils de race arienne ? faisaient-ils partie de la nation conquérante qui dans sa marche vers le sud-est n’avait pas encore atteint la vallée du Gange ni dépassé la Saraswatî ? On voit combien les problèmes s’étendent et se multiplient, et combien il est maintenant nécessaire de poursuivre au-delà de Pesth, dernier lieu de réunion du congrès anthropologique, les recherches qui se font depuis un quart de siècle en Occident.

Le point de départ du courant italien n’est pas mieux connu. Les fouilles ont bien démontré que l’industrie rhodanienne procède de l’Italie, et que l’Italie a marché plus vite que les pays situés plus au nord ; mais l’industrie du bronze n’était pas plus originaire de l’Italie qu’elle ne l’était de la France ou de la Savoie. Par quel chemin les fondeurs pénétraient-ils dans la péninsule ? venaient-ils de la Grèce ou des îles ? Et quand on aurait démontré qu’ils venaient de la Grèce et que celle-ci a précédé l’Italie dans la civilisation à l’époque du bronze, il faudrait savoir d’où la Grèce recevait le bronze. Le tirait-elle de l’Asie-Mineure, ou de Gypre, ou d’Égypte,