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les armes, dont-on peut suivre également la propagation. Enfin arrive l’ère de la chaudronnerie, c’est-à-dire du martelage du bronze, succédant à la simple fusion et lui faisant subir une opération complémentaire. Ces trois séries d’observations, portant sur les milliers d’objets conservés dans les collections publiques et privées, ont fait voir que, si on laisse de côté le groupe ouralien, qui se rattache directement à l’Asie, les provinces du groupe danubien recevaient le bronze des régions moyennes ou inférieures du Danube, tandis que celui de la Savoie, de la France et d’une partie de la Suisse venait d’Italie par les sentiers des Alpes. Le courant danubien s’est étendu jusque sur les lacs de la Suisse orientale ; c’est à lui que se rapportent les bronzes trouvés dans les palafittes de Zurich. Mais ceux de la Savoie ont été apportés par le courant italien. C’est à l’industrie danubienne qu’appartiennent les bronzes de l’Allemagne, du Danemark et de la Suède, et en grande partie ceux de l’Angleterre et de l’Irlande. L’industrie italienne a d’abord rempli le bassin du Rhône, s’est étendue d’un côté sur la Savoie, de l’autre autour des Cévennes, puis elle a pénétré dans le nord de la France et a fait sentir son action jusque dans la Grande-Bretagne. Voilà ce que démontrent les faits.

Comment s’opérait cette propagation de la métallurgie ? Les fonderies et les trésors répondent, incomplètement sans doute, à cette question. Les premières nous montrent en effet des ouvriers étrangers venant installer leur petit atelier en plein champ, non dans les centres habités, mais dans le voisinage. N’ayant pas eux-mêmes une demeure permanente, ils allaient sans doute d’un lieu à un autre : là ils exécutaient la refonte des vieux objets et en coulaient de nouveaux. Le déchet était comblé au moyen de bronze qu’ils apportaient en lingots ou en barres avec eux. Les trésors ressemblent singulièrement à des pacotilles de marchands nomades : comment expliquer autrement ceux que l’on trouve aux cols des montagnes, à des hauteurs inhabitées ? Mais ces trouvailles nous indiquent aussi que ces infortunés ne sont pas revenus et qu’ils ont succombé quelque part ailleurs à la violence ou à la misère. Et pourquoi ces fonderies elles-mêmes ont-elles conservé leurs moules, leurs creusets, les lingots et les objets brisés qui devaient être refondus ? Pourquoi ces ouvriers les ont-ils laissés derrière eux en se retirant ? Ou plutôt n’ont-ils pas eux-mêmes été victimes de la haine ou de la cupidité ? On n’oubliera pas qu’au témoignage d’Hérodote il y avait de son temps une sorte de corporation ou de caste composée de fondeurs ambulans et qui venaient d’Asie. Pendant tout le moyen âge, ces étrangers, d’un autre type que les hommes d’Occident, ont fréquenté nos villes et nos villages. Leur vie nomade., leur langue inconnue, leurs habitudes étranges et