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de certains officiers, le climat restreint beaucoup le temps d’exercice ; dans une grande partie de l’empire la moitié de l’année peut seule être employée utilement à l’instruction des hommes. Quand on songe que pendant longtemps on a demandé quinze ans, puis dix ans pour former le soldat russe, on comprend que dans les cercles militaires le terme de six ans soit défendu comme un minimum au-dessous duquel on ne saurait descendre sans danger pour l’armée. Il n’est point douteux cependant qu’avec les progrès de l’instruction le temps de l’apprentissage militaire ne puisse un jour être abrégé. Malgré toutes les difficultés inhérentes à la grandeur de son territoire et à la dispersion de sa population, la Russie a déjà fait des tentatives pour implanter peu à peu chez elle le principe de l’instruction obligatoire, qui partout paraît le corollaire et l’auxiliaire naturel du service obligatoire.


II

Avec une telle pépinière d’hommes, la Russie peut avoir un large système d’exemptions, et ménager les forces intellectuelles et productives du pays. Les causes d’exemption admises en France sont, pour la plupart, également reçues en Russie. Il y a en outre, pour certaines conditions de famille ou de position, pour les chefs d’industrie ou d’exploitation agricole, des sursis ou des dispenses de service. Les hommes ayant droit à ces avantages sont partagés en trois catégories qui ne peuvent être incorporées que successivement, au fur et à mesure des besoins, et seulement si le nombre des jeunes gens appelés est insuffisant. Le remplacement moyennant finance est aujourd’hui interdit ; la substitution entre frères ou entre proches parens est tolérée.

Le gouvernement russe a combiné la loi militaire de façon qu’elle servît au progrès de l’instruction et par là permît, en abrégeant le temps passé sous les drapeaux, d’appliquer plus rigoureusement le principe de l’obligation. La loi reconnaît tacitement l’instruction populaire comme la meilleure préparation à l’apprentissage militaire, aussi a-t-elle gradué la durée du service selon le niveau des connaissances individuelles. D’une manière générale, le service actif est d’autant plus court que le soldat est plus instruit ; son séjour au régiment est en proportion inverse de son instruction. C’est là ce qui fait l’originalité de cette législation russe. Par de telles faveurs, la loi n’accorde pas seulement une sorte de prime aux diverses écoles et aux divers degrés d’enseignement ; elle réduit peu à peu, et d’année en année, la durée même du service. Pour les jeunes gens pourvus d’un certificat d’études dans les écoles primaires, la