Page:Revue des Deux Mondes - 1877 - tome 21.djvu/73

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Tous les maris ne sont pas aussi patiens, et la chanson ou plutôt le duo de la Bergère, qui se chantait jadis en Lorraine, aux jours gras, nous fait voir un époux soupçonneux qui rentre au logis sans être attendu, et interroge comme un juge menaçant sa femme surprise en flagrant délit. La scène est fort dramatique dans sa naïveté :

Ventrebleu, Marion,
Oui est donc ce chevalier
Qui est dans ton lit couché,
Morbleu !
Qui est dans ton Ut couché?

— Hélas! mon bel ami,
Ce n’est pas un chevalier,
C’est ma compagne qui est couchée,
Mon Dieu,
C’est ma compagne qui est couchée.

— Ventrebleu! Marion,
Ta compagne était-elle brune?
Avait-elle la barbe noire,
Morbleu !
Avait-elle la barbe noire?

— Hélas ! mon bel ami,
Elle a mangé des mûres noires,
Vous semblait qu’elle était noire,
Mon Dieu,
Vous semblait qu’elle était noire.


Mais l’Othello campagnard ne se paie pas de ces raisons. « Entre la Chandeleur et Pâques, il ne croît pas de mûres noires, » et d’ailleurs il reconnaît à des signes trop visibles qu’il est trompé; il hausse le ton, s’emporte et jure de donner une leçon à sa femme :

— Ventrebleu ! Marion,
Je te mènerai en lâsse (laisse),
Je te ferai chien de chasse.
Morbleu!
Je te ferai chien de chasse.

Ventrebleu! Marion,
Je te mènerai en Flandre,
Et puis je t’y ferai pendre,
Morbleu !
Et puis je t’y ferai pendre...


Parfois, si le mari est exposé à faire de longs voyages, à son retour il lui arrive de trouver la maison occupée par un nouveau maître, comme dans la Chanson du marin. Cette chanson du littoral de la Saintonge traite le même sujet qui a inspiré à Tennyson le