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L'EMPIRE DES TSARS
ET LES RUSSES

IV.
LE SYSTÈME MILITAIRE ET L’ARMÉE[1]

La Russie a été longtemps regardée comme un état essentiellement, exclusivement militaire. Tout y paraissait organisé pour l’armée et à son image ; les institutions civiles n’y semblaient pas seulement subordonnées, elles semblaient presque n’y point exister. Au lieu de codes et de législation, on n’y voyait que des règlemens ou des commandemens, et la discipline y paraissait tenir lieu de loi. L’Europe se représentait la Russie comme une vaste caserne où du haut en bas régnait la consigne, comme un camp démesuré où des millions d’hommes ne faisaient que se transmettre un mot d’ordre. Il y a toujours eu dans ce point de vue une singulière exagération ; depuis le règne d’Alexandre II, il ne garde plus aucune part de vérité. L’armée, si elle en est jadis sortie, a été ramenée dans son domaine propre ; au lieu de dominer et d’annihiler la société civile, elle en a elle-même ressenti l’influence et elle a subi une transformation. S’il est aujourd’hui en Europe un état essentiellement militaire où tout soit soumis aux intérêts, aux traditions, à l’esprit du ministère de la guerre, ce n’est point la Russie.

Les réformes qui, depuis la guerre de Crimée, ont tout modifié dans l’empire, n’ont nulle part pénétré plus avant que dans

  1. Voyez la Revue du 1er avril, du 15 mai, du 1er août, du 15 novembre, la 15 décembre 1876, et du 1er janvier 1877.