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Groënland (sous le 60e parallèle), on emploie aussi des semences d’Alten ; les orges venues de contrées situées au-dessous du 68e degré ne conviennent plus ; elles donnent des épis, mais les froids arrivent avant la maturité, et on ne récolte que de la paille gelée. Les cultivateurs islandais tirent également leurs semences des parages d’Alten où du littoral de la Mer-Blanche. les districts les plus septentrionaux de la Norvège sont donc les grands fournisseurs de semences pour d’autres pays froids situés sous des latitudes moins élevées, et notamment pour les provinces méridionales du royaume Scandinave, qui en échange les approvisionnent de leurs céréales pour les besoins de la consommation. Une mauvaise récolte dans le nord est considérée comme une calamité, parce qu’elle compromet la reconstitution des semences ; celles de Christiania, semées à Alten, donnent des plantes qui n’arrivent pas à maturité, et ce n’est que par une sélection répétée qu’on parvient à en retirer du blé hâtif, mûrissant dans le temps normal que le climat offre pour le développement de la plante. On se sert pour cela de semences prises aussi près que possible du cercle polaire, et, si on n’en trouve pas, on essaie d’acclimater des semences plus méridionales en opérant par étapes de 4 ou 5 degrés de latitude ; à chaque station, la plante gagne une avance de plusieurs jours, et elle arrive finalement à destination avec les qualités requises pour donner du bon grain dans un temps très court.

Le développement hâtif des plantes n’est pas le seul symptôme d’une influence spéciale due aux conditions particulières du climat boréal ; M. Schübeler a encore constaté que les graines qu’il obtenait de semences venues du sud augmentaient de poids et de grosseur ; au contraire, quand des graines venues du nord sont semées dans une contrée plus méridionale, on en voit diminuer le volume et le poids. Les semences du Danemark, de l’Allemagne ou de France ont toujours donné des graines plus grosses et plus lourdes qu’elles-mêmes à Christiania, et l’accroissement a été encore plus sensible sous une latitude plus élevée, tandis que les semences de Christiania, semées à Breslau, ont fourni des graines beaucoup plus petites ; pour l’orge par exemple, le poids moyen du grain est tombé de 33 à 25 milligrammes.

Ce sont les hydrates de carbone qui se forment avec le plus d’abondance dans les tissus des végétaux en Norvège ; ces principes s’y développent beaucoup plus que les matières azotées. C’est donc surtout la réduction de l’acide carbonique par les feuilles qui parait s’accélérer sous les hautes latitudes, et comme elle s’accomplit sous l’influence de la lumière, il est naturel d’attribuer l’activité extraordinaire de la végétation boréale à la persistance de la radiation solaire pendant les longs jours de l’été.

D’autres remarques confirment cette conclusion. Plus on avance vers