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nouveau cabinet a déclaré qu’il ne changerait rien à la politique étrangère suivie jusqu’ici ; peut-on s’en étonner ? C’est la seule possible. Il sera même tenu de faire à l’Allemagne et à l’Italie plus d’avances que ses prédécesseurs ; il s’attachera à dissiper les préventions qu’il inspire, à se défendre du mauvais et injuste renom qu’il s’est acquis ; il multipliera les assurances, il aura toujours peur qu’on ne le croie pas sur parole. Pourquoi ne le croirait-on pas ? Le 17 mai est un bien autre gage de paix que l’Exposition universelle annoncée pour l’an prochain. En provoquant une crise dont il n’a pu méconnaître l’inquiétante gravité, M. le maréchal de Mac-Mahon s’est condamné à dépenser à l’intérieur toute la force de son gouvernement, et il s’est mis dans l’impossibilité d’exercer au dehors aucune action ni même aucune influence. Pouvait-il donner une meilleure garantie de ses dispositions pacifiques qu’en se réduisant volontairement à l’impuissance ?

En 1871, l’Autriche eut un ministère clérical présidé par le comte de Hohenwarth, et un journaliste de Vienne écrivait en ce temps : « Le nouveau ministère ne fait pas de bruit, il ne s’agite pas, il ne s’échauffe pas, il ne se blesse de rien, il ne se plaint de rien, il n’exige rien, il ne demande rien. Quand, ou lui parle, il répond, mais pour vous renvoyer à l’avenir qui se chargera de vous donner les explications que vous désirez. Quand vous lui dites qu’il n’a pas votre confiance, il vous représente d’un ton tranquille qu’il trouve cela tout naturel, mais qu’il s’en remet à sa bonne conduite du soin de vous faire changer d’avis. Il n’aspire qu’à exister, là se bornent ses prétentions. » telle sera, selon toute apparence, la conduite du ministère du 17 mai en tout ce qui concerne ses relations avec les puissances étrangère » ; sa politique sera peut-être embarrassée, elle ne sera embarrassante pour personne, il réservera toute son action pour l’intérieur. M. Geffcken, auteur d’un savant livre sur les rapports de l’église et de l’état, affirmé, comme le tenant d’un diplomate qui prétendait lui-même le savoir d’original, que, le comte Pozzo di Borgo s’étant rendu auprès de Charles X pour lui représenter que la signature des ordonnances mettrait sa couronne en danger, le roi lui repartit : « Ne craignez rien, hier encore la sainte Vierge est apparue à Polignac. » Sur quoi l’ambassadeur russe se prit à dire : « Quand les ministres ont des apparitions, les rois sont perdus. » On peut se rassurer, ni les ministres du. 17 mai, ni leurs préfets, ni leurs sous-préfets, n’auront des apparitions, et tel évêque aura beau les en prier, ils ne feront pas de la politique mystique.


G. VALBERT.