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par Quintus Métellus, son fils. Le père avait été grand pontife, deux fois consul, dictateur, maître de la cavalerie, un des quindécemvirs pour le partage des terres, et le premier, disait-on par erreur, il avait montré au peuple, pendant son triomphe, des éléphans pris dans la première guerre punique. Le fils rappelait tous ces honneurs et ajoutait, selon le témoignage de Pline, « que les dix biens les plus grands et les meilleurs, que les sages passent leur vie à chercher, son père les avait possédés dans leur plénitude. Il avait voulu être le premier guerrier de son temps, le meilleur orateur, le plus brave général, diriger sous ses auspices les affaires les plus importantes, être revêtu de la plus haute magistrature, avoir la plus haute sagesse, être le chef du sénat, acquérir une grande fortune par des moyens honorables, laisser beaucoup d’enfans, être le plus illustre citoyen de la république ; tous ces avantages, son père les avait obtenus, et aucun autre, depuis la fondation de Rome, n’avait eu un tel bonheur. » On a remarqué que ces biens énumérés rentrent un peu les uns dans les autres. Il semble que l’orateur ait tenu à trouver dans la vie de son père dix avantages et qu’il ait fait servir deux fois les mêmes, sous un autre nom, pour arriver au nombre désiré. On voit là l’inexpérience qui tâtonne et ne distingue pas bien les idées ; mais ce morceau a pour nous de l’intérêt, parce qu’on y saisit déjà une certaine velléité oratoire. A l’énumération des titres, qui faisait le fond de ces éloges, s’ajoutent ici des pensées un peu philosophiques. Nous avons sous les yeux comme un plan d’oraison funèbre romaine. Un autre caractère digne d’être noté, c’est que dans ce discours il n’y a rien de triste. Il ne s’agit que d’honneur et de bonheur. Selon les anciens, le bonheur, qui est un don des dieux, faisait partie du mérite.

A peu près vers le même temps, en 213, nous rencontrons un discours qui paraît avoir été touchant, celui où le vieux Fabius, le temporiseur, l’adversaire d’Annibal, le bouclier de Rome, rendit les derniers honneurs à son fils qui était mort au sortir du consulat. La douleur d’un père regrettant devant tout le peuple un fils enlevé dans la force de l’âge et dans le premier éclat de sa gloire est plus pathétique que la douleur d’un fils célébrant son père chargé d’années. Il paraît que ce fut un imposant spectacle qui laissa de longs souvenirs. Le vieux Fabius était un vrai Romain des temps antiques dont le langage, dit Plutarque, « était conforme à ses mœurs, tout substance, avec poids et profondeur de sentences et de conceptions singulières et propres à lui. » Chose nouvelle, Fabius, non-seulement rédigea son discours, mais le publia. Cicéron, dans le traité de la vieillesse, fait dire à Caton : « L’éloge que Fabius prononça est dans toutes les mains ; lorsque nous le lisons, quel est