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souvenirs épars que nous allons recueillir, avec lesquels on en est réduit à recomposer son histoire.

S’il est vrai, comme l’affirment Denys d’Halicarnasse et Plutarque, que la première oraison funèbre fut celle que le consul Valérius Publicola prononça en l’honneur de son collègue Brutus qui chassa les rois, ce genre d’éloquence eut pour les Romains une glorieuse et touchante origine. Il aurait donc été inspiré par le plus grand événement de l’histoire romaine, il se confondrait, avec les plus chers souvenirs de la liberté conquise, et serait comme une des premières parures de la république naissante. Cet éloge de Brutus, ajoute Plutarque, fut si fort goûté du peuple que, depuis, la coutume s’établit de rendre un pareil honneur à tous les grands personnages. Quoi qu’il en soit de cette haute origine, et bien qu’on en puisse à la rigueur douter, parce que les Romains étaient toujours fort enclins à faire remonter leurs plus nobles coutumes à l’établissement même de la république, toujours est-il qu’on rencontre de bonne heure çà et là dans l’histoire romaine la mention d’un certain nombre de ces éloges. L’an 481 avant notre ère, le consul Fabius prononça l’éloge funèbre de son frère Q. Fabius et de son collègue Manlius, tués dans une bataille contre les Véiens. L’orateur était ce Fabius qui avait refusé le triomphe en répondant : « Quand sa maison pleurait son frère, quand la république était veuve de ses consuls, il n’accepterait pas un laurier flétri par les larmes de sa patrie et celles de sa propre famille, » belle phrase qui sans doute est de Tite-Live et non de ce Fabius, trop belle ou plutôt trop apprêtée pour ces temps antiques. En louant les deux héros, dit encore l’historien, il montra beaucoup de générosité, puisqu’il leur donna des louanges dont lui-même avait mérité la plus grande part. Dix ans plus tard, en 471, Appius Claudius, accusé devant le peuple, étant mort avant la fin du procès ou il avait par son insolente hauteur déconcerté et fait trembler ses accusateurs mêmes, les Tribuns s’opposèrent à son éloge funèbre ; mais, sur les prières de son fils, qui réclama « au nom de l’ancienne coutume romaine, » le peuple ne voulut pas qu’on dérobât ce dernier honneur aux restes d’un grand homme, et il écouta son éloge, après sa mort, d’une oreille aussi favorable qu’il avait écouté son accusation pendant sa vie. Il faut que l’usage de l’éloge funèbre fût déjà bien enraciné pour que la foule tînt à celui d’un homme qui lui était si odieux.

De ces discours, il ne reste rien que de lointains et vagues souvenirs. Nous entrevoyons les scènes, mais les paroles nous échappent. Il faut attendre encore près de deux siècles, jusqu’à l’an 221 avant notre ère, pour rencontrer un éloge dont on ait, sinon le texte, du moins le résumé. C’est celui de Lucius Métellus, prononcé