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LA
QUESTION CRETOISE


I

La Crète est la plus grande et la plus belle des îles grecques. La longue ligne de ses montagnes s’aperçoit de loin au-dessus des flots comme une muraille qui préserve l’Archipel des redoutables vents de l’Afrique. Les Cyclades ont eu une destinée à la fois plus illustre et plus funeste ; mais la plupart d’entre elles sont aujourd’hui d’arides écueils, et leurs anciennes capitales ont fait place à de pauvres villages. La Crète au contraire a conservé, seule entre ses sœurs, son vêtement de verdure, et si le bien-être de ses habitans ne peut être comparé à celui de la population des grands pays agricoles de l’Europe, du moins leurs oliviers les font vivre presque sans travail.

L’île est longue de 60 lieues environ ; sa largeur varie de 12 à 14 lieues. D’un cap à l’autre, une chaîne de montagnes s’étend comme une épine dorsale gigantesque dont les Monts-Blancs, l’Ida et le massif de Sitia seraient les principales vertèbres. La hauteur de l’Ida atteint 2, 400 mètres ; celle du reste de la chaîne est un peu moindre. A partir de la ligne de faîte, les pentes abruptes s’inclinent rapidement tout d’abord pour se replier en longues vallées parallèles à la direction générale des sommets ; ailleurs des contre-forts descendent perpendiculairement jusqu’à la mer ; les gorges qu’ils limitent en se détachant des cimes s’élargissent peu à peu pour aboutir près du rivage à des plaines assez étendues. La plus grande est la plaine de Messara, féconde en chevaux, arrosée par le mythologique Léthé, et longue d’une journée et demie de marche. Les versans montagneux sont arrosés par de nombreux ruisseaux ; ils jouissent d’un climat toujours tempéré, même en été ; des troupeaux de chèvres et de moutons y trouvent