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de la plus étonnante façon. Il ne se perd pas dans les détails ; il procède par masses à la manière des maîtres vénitiens, du Giorgione et du Bonifazzio, qu’il rappelle extrêmement.

M. Jules Lefebvre est l’antipode de M. Henner. Chez lui, c’est la perfection du dessin, la délicatesse du modelé, la précision extrême du contour. La Pandore nous apparaît au fond de sa grotte avec ces qualités accoutumées. Toutefois M. Jules Lefebvre ne s’est pas surpassé. La tête de sa Pandore manque de caractère, et la figure pèche par une proportion trop courte. Pourquoi aussi cercler tout le galbe, des pieds à l’occiput, d’une ligne qui semble tracée avec la pointe d’un burin ? Si M. Henner n’accuse pas assez les contours, M. Jules Lefebvre les marque trop.

L’Ève de M. Félix Barrias se penche vers une source pour y mirer ses beaux traits tandis que le serpent, enroulé autour d’un arbre, darde vers elle sa hideuse tête en fer de lance. Pour n’être pas très neuve, l’idée de la femme tentée par la coquetterie n’en est pas moins jolie. Les tonalités claires de la fresque qu’a employées M. Barrias ne nous déplaisent pas, quoiqu’elles détonnent un peu dans un tableau de chevalet. Le dessin est élégant et a de la grâce. La Diane de M. Schutzenberger suspend à une branche d’arbre sa trousse, son arc et sa tunique spartiate. Elle s’est arrêtée dans un bois ombreux que perce à peine la lumière, et va se baigner dans la source où déjà trempent ses pieds. Le mouvement du bras pour atteindre la branche cambre légèrement le torse en arrière et imprime à cette jolie silhouette une gracieuse ligne serpentine. Dessin très correct et agréable couleur, bien que dans une gamme un peu rosée. Pourquoi M. Schutzenberger a-t-il fait Diane blonde ? C’est une hérésie mythologique.

M. Jacques Rizo, qui, en sa qualité de compatriote d’Apelles, ou plutôt de Panænos, car M. Rizo est né à Athènes, et Apelles était Ionien, nous inspire toute sorte de sympathies, a peint l’Indolence sous la figure d’une femme nue couchée sur un lit de repos. Son corps un peu maigre, mais d’un galbe élégant et d’une jolie chair blanche, où l’on sent le sang à fleur de peau, s’enlève sur le satin noir et rose du lit. Cette femme nous rappelle la Femme adultère de M. Humbert, dans une pâte infiniment moins ferme, à croire que les deux peintres se sont servis du même modèle. Le tableau est d’une jolie coloration, dans la gamme rose ; mais le dessin n’est point sûr, et les mains comme les pieds sont d’une peinture trop sommaire. Dans le cortège des femmes peu vêtues passent encore la petite Psyché de M. Thirion, si grêle, si chétive, si frissonnante, qu’on aurait envie de jeter un manteau sur cette nudité pauvre et rose ; l’Étude de M, Dargent, assez bien modelée, mais vieillotte de traits et peu fraîche de ton ; la Vérité de M. Monvel, une