Page:Revue des Deux Mondes - 1877 - tome 21.djvu/600

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

tonalité s’accorde dans les tons clairs sans la moindre dissonance. Au sommet de la composition, Apollon arrête son char flamboyant pour accueillir Uranie, qui, une sphère à la main, s’avance vers lui. Quatre muses, Clio, qu’on reconnaît à son laurier, Polymnie à sa lyre, Melpomène à son poignard et Thalie à son masque comique, s’élancent vers l’empyrée en un groupe harmonieux. Encore retenues à la terre, Terpsichore danse dans une pose charmante, et Euterpe l’accompagne sur la double flûte. Une autre muse, Erato sans doute, mollement couchée sur une nuée blanche, monte vers l’Olympe comme bercée dans un hamac nuageux. Cette figure, vêtue d’une draperie verte, ravit par sa grâce nonchalante et abandonnée. Pourquoi faut-ii que le bras, qui tombe du nuage comme d’un lit, soit si raide de forme et de mouvement. Il y a aussi dans le groupe principal un autre bras de bois, celui de la Clio, qui s’élève tout droit comme un poteau indicateur. M. Ehrmann, au demeurant, n’a pas assez soigné les contours des figures. Leur galbe manque d’élégance et de style. L’Euterpe a des jambes d’homme. Les têtes, dénuées de caractère antique, se ressemblent toutes. Sœurs par la naissance, ces muses sont sœurs par le visage. Cela est d’autant plus regrettable que ce type, uniformément reproduit neuf fois, n’est pas beau parce qu’il est joli.

Sous le titre de Paphos, Danse de l’Hyménée devant la statue de Vénus Uranie, M. Paul Milliet expose une gigantesque composition allégorique. C’est une sorte d’hymne à la jeunesse. Devant une statue archaïque de Vénus, un jeune homme nu et une jeune fille drapée de blanc dansent au son des instrumens dont jouent autour d’eux les vierges et les éphèbes. Le paysage qui encadre cette scène de l’âge d’or a du style et de la profondeur. Les femmes sont en général bien dessinées et posées dans de gracieuses attitudes. Il faut surtout signaler la femme nue qui frappe sur le triangle et la danseuse, qui nous paraît être plus qu’une réminiscence d’une fresque fameuse d’Herculanum. Les figures d’hommes, par contre, sont d’un dessin sec et incorrect. La tonalité, volontairement assourdie, tourne trop au terreux. Pour cette grande toile, M. Milliet semble s’être inspiré de la manière de M. Puvis de Chavannes, et on ne peut que l’en féliciter ; mais M. Milliet ne saurait trop se briser la main à toutes les difficultés du dessin s’il veut aborder ce genre de peinture qui, privée des attraits de la couleur, exige, avec un grand sentiment du style, une ligne sûre et impeccable.

M. Guay a peint dans la manière large et facile des décorateurs du XVIIIe siècle Latone et les paysans. Les rustres qui troublent l’eau en piétinant sont bien marqués dans leurs gestes et dans leur physionomie au type de la bestialité. La figure de la Latone est