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question qu’il appartient aux théologiens de résoudre. Par quel miracle aussi le premier mouvement du jeune moine, qui d’effroi tombe presqu’à la renverse, s’appuyant contre un pilier et levant les bras en l’air, n’a-t-il pas été de lâcher la torche qu’il tient à la main ?

Puisque nous sommes dans la légende dorée, signalons le Saint Jacques le Majeur, de M. Matout. « En allant au supplice, raconte Jacques de Voragine, saint Jacques le Majeur était si noble et si patient contre les coups et les injures de la multitude, qu’un jeune scribe saisi d’admiration se jeta à ses pieds, le priant de le faire chrétien. » C’est cette scène que M. Matout a peinte dans une toile immense, avec des tons si pâles, si éteints, si atones, qu’ils semblent près de défaillir et de s’effacer tout à fait. Le saint n’a ni dans les gestes, ni dans la physionomie cette noblesse presque divine qui, selon la légende, inspira la conversion du jeune scribe. Il faut croire que ce néophyte était converti d’avance.

« Mascarade à la bédouine, » aurait dit Théophile Gautier devant le Bon Samaritain de M. Dupain. Le jeune peintre, à l’exemple d’Horace Vernet, habillé en Arabes et en turcs les personnages de l’Evangile. Voilà pourquoi son tableau manque de caractère et n’a aucun aspect de vérité locale. Est-ce à Bagdad, à Stamboul ou au Caire que se passe cette scène ? sous le khalifat de Haroun-al-Raschid, sous le règne de Mahomet II ou sous le gouvernement de Mehemet-Ali ? C’est dans le lieu et à l’époque qu’on voudra, sauf à Jérusalem, sous la préture de Ponce-Pilate. On cherche aussi à comprendre pourquoi, dans cette chaude atmosphère et au milieu de ce groupe d’hommes enfouis sous les cafetans et les burnous, le malade qui grelotte la fièvre est le seul qui soit nu. Le bon Samaritain aurait dû songer à faire couvrir le moribond avant de lui chercher un gîte. Les costumes sont d’une couleur riche et hardie, et les parties nues sont magistralement traitées. Le jeu des muscles, l’action des nerfs, les sillons des veines s’y accusent vivement et sans exagération. On voit que M. Dupain sait, mais qu’il ne s’efforce pas de prouver sa science. La figure de l’hôtelier, debout sur le seuil de sa porte, est trop courte ; c’est tout au plus si on lui trouverait cinq têtes et demie. Cet hôtelier nain porte d’ailleurs une robe jaune d’un ton superbe. Les étoffes brillantes des Orientaux contraindraient-elles les peintres qui les copient à faire de la couleur malgré qu’ils en aient ? Ce qui est certain, c’est que dans le Saint Gervais et saint Protais, cette toile théâtrale où il a rendu aux figures leur ajustement classique, M. Dupain a un coloris gris et froid.

La Décollation de saint Jean-Baptiste n’ajoutera rien à la réputation de M. Falguière. Il a conquis, il y a deux ans, ses éperons d’or de peintre ; qu’il revienne à la sculpture. C’est dans une grotte